Je vous invite à découvrir une église bien peu connue des parisiens . Cette édifice religieux caché aux yeux de tous est invisible de la rue !!! Il faut franchir le porche du 214 de la rue Lafayette , traverser un couloir pour enfin arriver dans une cour où se dresse l'imposante église Saint Joseph Artisan. Son histoire est passionnante , comme vous allez le découvrir .
A partir de 1848 , des Jésuites Allemands cherchent à regrouper les émigrés de langue allemande travaillant sur les chantiers de Paris . Ils créent avec eux une chapelle en bois , une école de garçons tenue par les Frères des écoles chrétiennes , une école de filles tenue par les sœurs de Saint Charles de Nancy .
Une église en pierre Saint Joseph des Allemands remplace en 1866 la petite chapelle . En 1867 , l'empereur François Joseph s'arrête à la mission et lui fait don de vitraux : Saint François , Saint Joseph et Sainte Elisabeth ( patronne de son épouse ) . Les congrégations mariales offrent d'autres verrières et l'orgue ( aujourd'hui Orgue Gonzales de 1966 ) . Avec la guerre de 1870 , la communauté est dispersée . En 1871 l'église est bombardée et les verrières sont brisées .
En 1872 les Alsaciens , les Lorrains ainsi que les Luxembourgeois fuient l'occupation prussienne de leur territoire . Beaucoup d'entre eux émigrent au Nord de la capitale ( XIXème arrondissement , Aubervilliers et Pantin plus particulièrement ) . Ils se réunissent dans cette église où l'on parle leur langue . Ils sont accueillis en particulier par le Frère Alpert . Les verrières brisées sont remplacées , des statues de Joseph et de Marie ornent les autels .
Le Frère Alpert ( de son vrai nom Chrétien Motsch) est né à Eywiller , près de Saverne dans le Bas-Rhin , le 26 mai 1849 d'une famille nombreuse chrétienne . En 1864 il entre au Noviciat à la Maison Mère des Frères des Ecoles Chrétiennes rue Oudinot à Paris , deux mois plus tard il reçoit avec l'habit religieux , le nom de Frère Alpert . Le 10 septembre 1865 il est envoyé à l'Ecole St Joseph , rue Lafayette , pour enseigner en français et en allemand aux jeunes garçons de la mission St Joseph des Allemands fondée par les Pères Jésuites pour les émigrés pauvres . Pendant la guerre de 1870 il soigne les blessés sur les champs de bataille , il y contractera une ataxie locomotrice évolutive suite à une grave furonculose . Enseignant et éducateur apprécié , il se révèle surtout comme apôtre du catéchisme et formateur spirituel des jeunes . Le 11 septembre 1879 il est nommé Directeur de l'Ecole St Joseph , devenue mission des Alsaciens-Lorrains . Il développe le patronage des jeunes gens et crée une section florissante de l'Association St-Labre et inaugure les nuits d'adoration au Sacré Cœur de Montmartre . Son état de santé se détériore de plus en plus , le 15 juin 1896 il est admis à l'infirmerie de la Maison Mère où il décède le 6 avril 1898 . Il sera béatifié le 11 avril 1995 par le Pape Jean-Paul II . En 1998 à l'occasion du centenaire de sa mort , ses restes ont été transférés du cimetière de Bagneux dans l'église Saint Joseph Artisan de la rue Lafayette .
En 1880 , les lois de Jules Ferry prennent les écoles , les jésuites ne peuvent que desservir la chapelle . De 1897 à 1900 le Père jésuite Adolphe Vasseur orne l'église de peintures murales illustrant la vie de Saint Joseph , et l'épopée des jésuites dans le monde . En 1907, les biens de la mission sont vendus . Le Prince Maxe de Saxe en rachète une partie . En 1914 , la mission est mise sous séquestre comme " bien allemand " , mais le culte continue . Une ambulance y est même installée , elle fonctionnera jusqu'en 1919.
En 1924 les biens sont restitués au Prince Max de Saxe , et la mission devient " Mission des Luxembourgeois et étrangers de langue allemande " . Les jésuites quitteront la Mission et seront remplacés par les prêtres du Sacré Cœur de Saint Quentin . Deux prêtres du Sacré Cœur de Saint Quentin s'illustreront pendant la seconde guerre mondiale . Le Père Stoeffels qui mourra en déportation à Dachau en 1942 et l'abbé Franz Stock .
Franz Stock fut aumônier allemand des prisons de Paris pendant la guerre , il est chargé par les autorités militaires allemandes de prendre soin des détenus , de préparer et accompagner les condamnés à mort jusqu'au Mont Valérien , lieu de leur supplice . Lorsque le Général de Gaulle entre dans Paris le 25 août 1944 , l'abbé Stock se trouve à l'hôpital de la Pitié avec plus de 600 soldats allemands blessés et intransportables . Quand les américains prennent en charge l'hôpital il devient prisonnier de guerre . Il sera transféré dans le grand camp de prisonniers de guerre de Cherbourg . On envisage la fondation d'un séminaire pour les théologiens allemands prisonniers à Orléans . On demande à l'abbé Stock de diriger la formation spirituelle des séminaristes allemands .
Le 17 aôut 1945 le " Séminaire des Barbelés " est transféré au Coudray près de Chartres . Il sera nommé Supérieur du séminaire des prisonniers de Chartres . Il recevra en 1945 la visite du nonce apostolique de Paris Mgr Roncalli , futur Pape Jean XXIII . Le " Séminaire des Barbelés " sera fermé le 5 juin 1947 . Cette même année l'abbé Stock est nommé " docteur honoris causa " par l'université de Fribourg-en-Bissau . Il décède subitement le 24 Février à l'hôpital Cochin à Paris , il n'avait pas encore 44 ans . Ses obsèques ont lieu en l'église Saint-Jacques du Haut Pas , c'est Mgr Roncalli qui lui donnera l'absoute . Il est enterré pitoyablement au cimetière parisien de Thiais . Seulement une dizaine de personnes suivent le cercueil . Le 13 juin 1963 une cérémonie commémorative publique à lieu au dôme des Invalides , son corps est exhumé au cimetière de Thiais . Après la ratification , le 14 juin 1963 , du contrat d'amitié franco-allemande , son cercueil reste exposé jusqu'au 16 juin 1963 aux Invalides . Il est finalement inhumé en l'église Saint Jean-Baptiste de Rechèvres à Chartres . Le nom de "Place de l'Abbé Franz Stock" est donné à l'esplanade devant le mémorial de la Résistance au Mont-Valérien.
En 1958 après le départ du dernier aumônier luxembourgeois , le diocèse récupère les locaux et crée ainsi la paroisse Saint Joseph Artisan . Les prêtres du Sacré Cœur de Saint Quentin s'en vont en 1991 et sont remplacés par des prêtres diocésains .
Enfin en 2004 une série de vitraux des ateliers de Loir vient ajouter une note de modernité à cette église chargée d'histoire que je vous conseille vivement de visiter . A noël vous pourrez admirez la magnifique crèche provençale .
Des articles de presse ont été écrits à ce sujet.
Des sites l'ont repris.
http://www.fdesouche.com/303162-paris-trois-eglises-menacees-de-destruction-faute-de-moyens-pour-les-entretenir