Je me propose de vous faire découvrir une église que bien peu de parisiens connaissent , et qui pourtant à une histoire passionnante en bien des points . C'est avec la découverte de l'histoire de l'Église Sainte-Marguerite que nous allons débuter l'année . Cette église se trouve rue Saint-Bernard , bien au calme , non loin du bruyant Faubourg Saint-Antoine , près de la Bastille . Elle a gardé l'aspect d'une petite église de village avec , encore partiellement visible , sont petit cimetière attenant . Les habitants des cultures réparties entre l'enceinte de Paris et le village de Charonne ne disposaient pas de lieu de culte autre que l'église Saint-Paul situé dans Paris , rue du Faubourg Saint-Antoine . Le 29 octobre 1624 , Jean de Vitry , seigneur de Reuilly fait donation à Antoine Fayet , curé de l'église Saint-Paul d'un terrain pour y bâtir une chapelle . Remédiant aux inconvénients de l'immense étendue de sa paroisse , de l'insécurité et du mauvais état des chemins , fit donc construire dès 1625 " à ses frais et sur son fonds une chapelle hors la Porte Saint-Antoine , soubz l'invocation de Sainte-Marguerite " .
Plan de Paris en 1705 de Nicolas de Fer
EGLISE SAINTE-MARGUERITE
En 1629 un arrêt du Parlement de Paris fait de Sainte-Marguerite une chapelle particulière .Celle-ci fut érigée en 1634 , en église succursale de l'église Saint-Paul , la chapelle fut agrandie à plusieurs reprises entre 1669 et 1678 et flanquée de deux bas-côtés . En 1703 Gilles Le Sourd , curé de Saint-Paul entreprend la construction de la chapelle nord appelée Chapelle Sainte-Marguerite . En 1712 la paroisse du faubourg Saint-Antoine compte déjà près de 40.000 habitants , le Cardinal de Noailles , Archevêque de Paris érige cette chapelle en paroisse . En 1724 le curé Goy agrandit l'église avec la construction , au sud , de la chapelle de la Vierge . En 1625 aura lieu la guérison miraculeuse de la dame de La Fosse lors d'une procession du Saint-Sacrement . L'architecte Louis Victor l'agrandit à nouveau en construisant en 1764 , la chapelle des Âmes- du- Purgatoire que Brunetti Paolo Antonio décora curieusement de grisailles en trompe-l'œil .
L'église Sainte-MargueriteSainte-Marguerite desservie par un clergé constitutionnel ne fut pas fermée pendant la Révolution . Elle connut toutefois de nombreux incidents ( son vicaire fut l'un des premiers prêtres qui de marièrent ) Elle fur utilisée par les " Théophilantropes " qui y installèrent quelques mois le Temple de La Liberté et de l'Egalité . Le Pape Pie VII donna à cette église un calice ( toujours visible ), lorsqu'il vint y célébrer la messe le 11 février 1805 . Sous la Commune l'église faillit être incendiée , des barils de poudre et de pétrole avaient été descendus dans la cave lorsque les Versaillais arrivèrent juste à temps pour éviter leur inflammation .
Cette église en forme de croix latine contient un certains nombres d'œuvres d'art ainsi que d'intéressant vitraux . Parmi ceux-ci on peut citer : Le martyre de Sainte-Marguerite de Maindron , Sainte-Marguerite d'Ecosse de Debay , le Massacres des Innocents de Luca Giordano , Saint-Vincent-de-Paul prêchant aux pauvres du Frère Jean andré , une descente de Croix de Francesci Rossi dit Salviati provenant d'une chapelle du couvent des Célestins ( Le Joseph d'Arimathie qui soutien le corps du Christ serait un portrait de Henri II ), Saint-Louis visitant les pestiférés de Gassies , l'Institution des Enfants Trouvés par Galloche et d'autres toiles provenant provenant de la chapelle de la Maison Saint-Lazare. Certains vitraux relatent des faits qui se sont passés dans cette église ou dans ce quartier . ( Assassinat de Mrg. Affre pendant l'insurrecrion de la Commune et le Martyre des Carmélites de Compiègne décapitées le 17 juillet 1794 à la Barrière du Trône ( aujourd'hui Place de la Nation ) , dernier refuge de la guillotine avant la chute de Robespierre et la fin de la Terreur , visite du Pape Pie VII . )
Saint-Vincent-de-Paul prêchant aux pauvres
A l'extérieur , les sculptures en bas-relief des deux frontons sont l'œuvre de l'abbé Goy , curé de Sainte-Marguerite en 1724. Ont été inhumés dans cette église les religieuses des communautés de la Trinité et de Notre Dame des Vertus dont on voit encore les pierres tombales dans la chapelle des Âmes du Purgatoire de part et d'autre de l'autel . Les Filles de Notre-Dame des Vertus résidaient à coté de l'église Sainte-Marguerite . Vers 1679 quelques religieuses d'Aubervilliers , appartenant à la communauté des Filles de Notre-Dame vinrent s'installer à Paris rue Basfroi . Elle reçurent en 1681 , de la part de l'abbé Mazure , curé de Saint-Paul une maison qu'il possédait rue Saint-Bernard . Elles s'y installèrent en 1685 sous le vocable de Communauté des Filles de Notre-Dame-des-Vertus ( en souvenir du nom de l'église d'Aubervilliers ) . Leur but étant d'apprendre à lire et à écrire aux jeunes filles pauvres du Faubourg Saint-Antoine . On peut voir dans l'église le tombeau de l'abbé Antoine Fayet mort en 1637 , son gisant est remarquable . Jacques de Vaucanson ( célèbre pour ses automates dont la collection fut le noyau du Conservatoire des Arts et Métiers ) mort en 1782 à 73 ans repose dans une des caves sépulcrales de la Chapelle des Âmes du Purgatoire . Une grande quantité d'ossements à été trouvée en 1922 sous la chapelle de la Vierge . En 1883 Saint-Jean Bosco est venu y prier et célébrer la messe à la Chapelle de la Sainte Vierge . En 1912 le presbytère situé 31 rue Saint-Bernard sera détruit et remplacé par une école primaire .
C'est une des rares églises de Paris où l'on peut encore voir les restes du cimetière attenant . Seuls subsistent le cimetière de Charonne et celui du Calvaire de Montmartre ( un article sur ce Blog lui est d'ailleurs consacré ) qui , comme encore dans nos campagnes , jouxtent l'église . Les cimetières qui entouraient bon nombre d'églises Parisiennes furent fermés et souvent remplacés par des squares . Leurs ossements furent transférés dans un ossuaire appelé improprement "Catacombes" ( anciennes carrières situées au sud de Paris ) dont l'entrée actuelle se trouve place Denfert-Rochereau .
LE CIMETIÈRE SAINTE-MARGUERITE
Cette église fut flanquée pendant un temps par un cimetière en trois parties . Il fut ouvert en 1637 . La première assez grande se trouvait au nord de l'église ; la seconde , plus petite , au sud et la troisième située au chevet . Un passage étroit réunissait les deux derniers . L'église était donc entourée par un cimetière sur trois de ses cotés . Les deux dernières parties situées au nord et au sud disparurent vers 1772 par suite de divers agrandissement de l'église ( un petit square recouvre de nos jours la seconde partie ) . Dès lors il n'y eut plus en service que le grand cimetière situé au nord de l'église et le long de la rue Saint-Bernard où se trouvait son entrée . Il était séparé de la rue Saint-Bernard par un haut mur de 5 mètres . Son entrée se trouvait presque tout contre le portail de l'église , elle portait , en blanc et noir , une décoration représentant des têtes de mort et des tibias . Il avait une superficie de 1.960 mètres carrés . Il fut amputé en 1764 du terrain nécessaire à la construction de la chapelle des Âmes du Purgatoire . Le sous-sol de cette chapelle avait été aménagée de façon à recevoir de nombreuses caves sépulcrales .
En 1763 ce cimetière contenait 34 fosses communes . Chacune pouvait recevoir environ 800 corps . Ces fosses occupaient environ les deux tiers de cimetière , le reste étant réservé aux allées et à quelques sépultures particulières .Le nombre croissant des morts , nécessita en 1722 , la construction de deux grandes galeries de charniers . Une le long du mur nord ( dont on peut encore voir les traces aujourd'hui ) et l'autre le long du mur oriental , cette dernière galerie disparaîtra en 1831avec la construction de la grande chapelle des Catéchismes . Pendant la Révolution il est affecté aux inhumations parisiennes des 5è , 6è , 7è et 8è arrondissement de Paris . Les galeries de charniers serviront de septembre 1789 à janvier 1790 de dépôts militaires du régiment de Nassau-Infanterie . En 1792 il sera le lieu de réunion à la section de Montreuil .
Le désaffectation du cimetière commença en 1804 suite aux prescriptions du Préfet Frochot du 21 mars 1801 relative à l'établissement de trois grands cimetières , tous situés à l'extérieur du mur des Fermiers-Généraux . L'ouverture des ces nouvelles nécropoles conduiront à la suppression des petits cimetières de Paris . Cette désaffectation fut progressive , le cimetière sera affecté quelques temps encore aux inhumations des corps non réclamés des personnes mortes dans les hôpitaux et aux débris chirurgicaux provenant de ceux ci . Il fermera définitivement en 1806.
L'emplacement de l'ancien cimetière Sainte-Marguerite a été amputé en 1832 d'une petite partie suite à l'élargissement de la Rue Saint-Bernard , et assez récemment d'une grande partie nécessaire à l'édification d'une Crèche. Le reste est devenu une cour dans laquelle on aperçoit encore quelques vieilles tombes et la croix de pierre blanche érigée en 1777 par un maître maçon du quartier .
Ont été inhumées dans le cimetière Sainte-Marguerite vraisemblablement une grande partie des soldats des troupes de Turenne et de Condé tués pendant les combats livrés dans le Faubourg Saint-Antoine le 2 juillet 1652 ; Georges Jacob célèbre ébéniste du Faubourg Saint-Antoine mort en 1803 à 64 ans ( sa tombe est encore visible aujourd'hui ) ; du 9 juin au 12 juin les 73 personnes qui furent décapitées sur la place de la Bastille pendant les 3 jours où la guillotine y fut dressée et , aussi celles qui le furent à la barrière du Trône ( aujourd'hui place de la Nation ) en attendant l'ouverture des fosses communes du petit cimetière de Picpus ; l'abbé Dubois ex-lazariste , curé de Sainte-Marguerite de 1802 à 1817 , avec l'autorisation du Roi , le cimetière ayant été fermé . Il fut inhumé en grande pompe , on peut encore voir un petit retrait aménagé près du chevet de la chapelle des Âmes du Purgatoire non loin de celle de " l'enfant mort au Temple " .
La sépulture la plus célèbre de ce cimetière est sans nul doute celle du " petit enfant mort au Temple " qui reste aujourd'hui encore une des grandes énigmes de l'histoire de France . On inhuma le 10 Juin 1795 vers 5 heures du soir l'enfant mort le 8 juin dans le donjon de la prison du Temple sous le nom de Louis XVII . Bien sur aucun service religieux ne fut célébré . La bière fut déposée dans la fosse commune en service . Dans la nuit le fossoyeur Valentin Bertrancourt retira le cercueil , décloua une planche , constata que le crane avait été scié ( en effet après sa mort l'enfant fut autopsié par le docteur du Roi Philippe-Jean Pelletan ) , plaça ce cercueil dans une bière en plomb , après avoir dessiné sur son couvercle avec des clous une grossière fleur de lys . Il reinhume le corps partie dans le mur de fondation de l'église et partie dans le cimetière à hauteur du pilastre de gauche de la porte latérale de l'église qui , située à gauche du transept , fait communiquer l'église et le cimetière . Les exhumations faites en 1846 et en 1894 déterminèrent que les ossements enfermés dans cette bière étaient ceux d'un enfant de 15 à 18 ans alors que le Dauphin n'avait que 10 ans !!! Aujourd'hui sa dépouille de trouve actuellement là où elle fut reinhumée en 1846 . En 1979 une troisième exhumation a eut lieu sans apporter aucun éléments nouveaux quand à l'identité de ce corps .Il est tout de même curieux qu'aujourd'hui avec tous les progrès de la sciences aucun examens ADN n'aient été pratiqués sur ces ossements !!! Parmi les hypothèses les plus plausibles est que l'on ait subtilisé le cercueil du Dauphin pour le remplacer par celui d'un autre enfant mort . C'est celui là qui se trouve toujours au cimetière Sainte-Marguerite dans la tombe du petit Roi Louis XVII .Cela restera une grande énigme de notre histoire sans doute jamais élucidée !!!
Pour terminer sur une note plus gaie , le quartier de Sainte-Marguerite à été immortalisé par la chanson d'Aristide Bruant que tout le monde connaît : Nini peau d'chien !!!
NINI PEAUD'CHIEN
Quand elle était p’tite
Le soir elle allait
A Saint’-Marguerite
Où qu’a s’dessalait :
Maint’nant qu’elle est grande,
Ell’ marche le soir
Avec ceux d’la bande
Du Richard-Lenoir
Refrain:
À la Bastille
On aime bien
Nini-Peau-d’chien :
Elle est si bonne et si gentille !
On aime bien
Qui ca
Nini-Peau-d’chien,
Ou ca
À la bastille
Le sobriquet de " Nini peau de chien " donné à l'héroïne de cette chanson populaire proviendrait du fait que la " peau de chien " était de la peau de requin ( le requin est appelé aussi chien de mer ) . Sans doute travaillait t'elle dans une fabrique de meuble du faubourg qui utilisait cette ... peau de chien pour décorer ses meubles .
Vous voyez que je ne m'étais pas trompé lorsque je vous disais que cette petite église Sainte-Marguerite avait une histoire ô combien passionnante . A vous maintenant d'aller la découvrir !!!
Oui! Celle de la chanson, tu sais:
"A-la-Bas-tille on l'aime bien Nini Peau d'chien" ? C'est dans le premier couplet:
"Quand elle était p'ti-te
"Elle se baladait
"A Sainte-Margueri-te
"Où-c'qu'è s'désalait !"
Bien à toi, Le Piéton de trottoir,
Gros Bill.