LES INONDATIONS DE 1910
Il y a tout juste un siècle , en janvier 1910 , Paris connaissait de terribles inondations . Elles resteront gravées à tout jamais dans la mémoire des vieux parisiens . Une médiatisation sans précédent s'en empare : la photographie d'actualité , le cinéma , les nombreuses cartes postales illustrées éditées à cette occasion ainsi que les journaux de l'époque nous ont permis de mieux nous rendre compte , comment cette brusque monté des eaux noya en quelques jours de nombreux quartiers de Paris au point de les rendre totalement méconnaissables !!! Les cartes postales ne furent pas limitées à Paris , beaucoup d'autres montrent les villes qui tout le long du bassin de la Seine furent également touchées par ces terribles inondations .
Quartier de la Gare de Lyon
Les causes de cette crue exceptionnelle
Paris avait déjà connu des inondations importantes à l'époque Mérovingienne . On sait aussi que le niveau des 7 mètres avait été dépassé sans doute à plusieurs reprises sous Louis XIV et Louis XV , mais aussi tout au long du XIXème siècle .
Créé en 1854 par l'ingénieur Belgrand , le service hydrométrique assurait un rôle de d'observation et de préventions . Des relevés quotidiens étaient effectués sur l'ensemble du bassin et comparés avec des données antérieures pour déterminer les probabilités d'une crue éventuelle . Ce service administratif n,'était pas préparé pour faire face à une telle catastrophe . Malgré les limites des appréciations ( prévision météorologiques limitées à 24 heures ) cet organisme à su prévoir une crue importante dès le mois de novembre 1909 . Mais les estimations semblent avoir été utilisées plus pour rassurer plutôt que pour prendre les mesures d'évacuation qui s'imposaient et toutes les informations n'ont pas été suffisamment diffusées pour alerter les autorités et la population .
En janvier 1910, Paris connaît durant une « semaine terrible » une inondation exceptionnelle, provoquée par des conditions météorologiques exécrables, la plus importante de son histoire après celle de 1658. Les conditions météorologiques à l'origine de la crue de janvier 1910 se sont mises en place dès l'automne précédent . La fin de l'année 1909 fut très humide , notamment en décembre avec un excédent de pluie de l'ordre de 50% . La première semaine de janvier , stable et sèche , fut suivie de deux semaines au cours desquelles les précipitations furent exceptionnelles .
La crue de 1910 est une crue " double " , c'est à dire générée par deux par deux épisodes de pluie à intervalles rapprochés . Dès la première série de pluie du 18 au 21 janvier , la Seine et ses affluents en amont ont réagi ( sols saturés et gelés ) . Les vallées rapides du Loing et du Grand-Morin font monter en 4 jours la Seine de plus de 3 mètres !!! Le 20 janvier , le tirant d'air sous les ponts est jugé trop faible et la navigation sur la Seine est interdite . Le 22 janvier on enregistre 5.93 m au Pont d'Austerlitz . Pour les bassins de la Petite Seine et de la Marne , la progression des ondes de la crue est moins rapide . Le deuxième épisode pluvieux entraine une notable reprise de la crue de l'Yonne supérieure , le Loing et le Grand-Morin . La décroissance de l'Yonne est instantanément stoppée tandis que le Loing et le Grand-Morin reprennent des niveaux très importants . Le 26 janvier le niveau de la Seine est aggravé de la pointe de la Marne avec la deuxième pointe très marquée du Grand-Morin . La concomitance de ces deux nouvelles ondes de crue de la Seine et de la Marne produira le maximum de la crue le 28 janvier 1910 avec 8.62 sur l'échelle du Pont de l'Alma à midi . L'eau s'infiltre dans les voies ferrées souterraines et dans les tunnels du métro , dans les caves , les canalisations , les égouts et en surface atteint les quais . L'eau fait sauter les pavés et les dalles , des portions de rues ou les trottoirs s'effondrent , certaines voutes du Métropolitain cèdent !!!
La capitale est inondée dans douze arrondissements et plusieurs centaine d'artères offrant ainsi un aspect inédit qui la fait surnommer " Paris-Venise ". La vie quotidienne est est bouleversée dans de nombreux quartiers de Paris où les rues et les places sont impraticables , parfois noyées sous plusieurs mètres d'eau !!! La Préfecture de Police réquisitionne des canots et des mariniers pour permettre les déplacements en barque . Tous les corps de métiers sont touchés : les facteurs et les télégraphistes , les journalistes , les boulangers , les bouchers etc. , et même les députés !!! Tout est bon pour servir d'embarcation : baignoires , armoires et autres gondoles de fortune . Certains tentent même les échasses !!! Un scaphandrier va chercher les registres d'écrou dans les sous-sols su Palais de Justice !!! Les services parisiens seront renforcés par par l'armée et ses canots se mobilisent très vite pour maintenir le fonctionnement des activités fondamentales et organiser les secours . Le Génie surélève les trottoirs en en construisant des sortes de passerelles sur tréteaux .
Pontonniers du Génie Sauveteurs bretons
Le 29 janvier 1910 après 12 jours de montée continue des eaux le décrue s'amorce enfin . Il faudra attendre le 16 mars 1910 pour que la Seine retrouve son lit normal ( moins de 2.50 m à l'échelle de Paris-Austerlitz ) Après le commencement de la décrue , l'heure est à la désinfection et à la lutte contre les risques d'épidémie ; à la remise en marche progressive des transports et des différents services , ce qui prendra de nombreux mois .
Comme un spectacle , l'inondation draine une foule de curieux et le nouveau paysage urbain attire les photographes et les peintres .
Alfred Sisley - Inondation à Port-Marly
Les effets de la crue de 1910
Deux cent mille personnes frappées directement ou indirectement , 476 hectares inondés , 7.155 quais submergés , 15% des immeubles parisiens touchés soit en surface , soit en sous-sol . Les dégâts matériels sont considérables mais heureusement les pertes humaines furent très limitées , moins de 10 morts dans Paris et sa banlieue ( des sauveteurs vraisemblablement ) . Par ailleurs aucune épidémie ne fut à déplorer . L'inondation à occasionné la perturbation de nombreux services indispensables à la vie quotidienne des parisiens dans les quartiers inondés , parmi lesquels : l'alimentation en eau potable , interruption des moyens de transports ( chemin de fer , métro , tramways ) , interruption des moyens de communication ( télégraphe , téléphone , distribution du courrier ) , interruption de la distribution d'énergie ( gaz d'éclairage , électricité , air comprimé ) , interruption du ramassage et de la destruction des ordures ménagères , des gadoues et des matières de vidange ) .
Les habitants des quartiers inondés se trouvent au chômage technique , ils restent bloqués chez eux sans même pouvoir aller faire leurs courses . En terme de coût , les seules estimations chiffrées réalisées pour le département de la Seine ( Paris , Haut de Seine , Seine-Saint-Denis et Val de Marne ) se chiffrèrent environ à 400 millions de dommages direct auxquels il faut ajouter 50 millions de francs-or distribués à titre de secours , ce qui correspond à environ 1.4 milliards d'Euros .
Toute la banlieue fut concerné par cette terrible inondation . La proche banlieue , de Charenton à Bry-sur-Marne en amont , et d'Issy-les-Moulineaux et Boulogne à Nanterre , en passant par l'Île-Saint-Denis , en aval . Tous les départements d'Île de France furent également durement touchés .
Un formidable élan de solidarité se fera dans toute la France comme à l'étranger . Des souscriptions , des soupes populaires et des asiles apporteront leur soutien aux victimes .
Prévention et précautions
Malgré toutes les préconisations de l'ingénieur Belgrand formulées des années avant sur les risques et les moyens de lutter contre les crues de la Seine qui malheureusement n'ont pas été suivies , on décide le 9 février 1910 de créer une " Commission des Inondations " présidée par l'ancien ministre de la Marine Alfred Picard . Elle avait pour objet d'étudier les causes et les conséquences de l'inondation et les moyens d'y remédier . Le rapport préconisait un certain nombre de mesures qui en raison de la guerre ne furent pas mis en œuvre . Après 1924 et une nouvelle crue importante , les mêmes conclusions concernant les travaux à prévoir furent rendues par la nouvelle commission en place : Construction de barrages réservoirs - Surélévations des murs des quais - Approfondissent du lit de la Seine - Reconstruction de certains ponts qui gênaient l'écoulement des crues - Installation de stations de pompages - Suppression du barrage et de l'écluse de la Monnaie . Seulement une partie de ces travaux furent exécutés . Il faut attendre 1950 pour que finalement soit finalisé leur mise en œuvre , facilité par les progrès des techniques modernes . En 1966 sera mis en service le Lac artificiel de la Forêt d'Orient situé dans le département de l'Aube . Ce lac réservoir , en dérivation par rapport au cours de la Seine fait partie d'un ensemble de quatre ouvrages destinés à maitriser le fleuve afin de limiter les crues en assurant un étiage minimum . Les trois autres sont le lac du Der-Chantecoq , en dérivation de la Marne , les lacs Amance et du Temple en dérivation de l'aube et le lac Pannecière sur l'Yonne .
Lac de la forêt d'Orient Lac du Der-Chantecoq
En Île de France aujourd'hui , le Préfet de Région coordonne la surveillance du bassin Seine-Normandie . L'État établit une cartographie les zones considérées comme inondables , dont il contrôle l'urbanisme et il implique les élus locaux dans les plans de prévention et d'action .
Plus que jamais Paris mérite sa devise figurant sur ses armoiries " Fluctuat nec mergitur " ( je flotte mais ne sombre pas ) !!!