LES ARÈNES DE LUTÈCE
Avec les Thermes de Cluny, les Arènes de Lutèce sont le seul vestige encore visible du passage des Romains à Lutèce ( Paris ) . Je me propose de vous faire découvrir la passionnante histoire de cet amphithéâtre romain situé au 49 de la rue Monge en plein quartier latin près du Jardin des Plantes . ( on peut y accéder également par la rue de Navarre ( square Capitan ) et la rue des Arènes .
Entrée rue Monge Square Capitan Arènes de Lutèce
Deux édifices de spectacles ont été retrouvés dans le Paris gallo-romain . Le premier de dimension modeste , s'élevait à une centaine de mètres au sud des Thermes de Cluny . C'est en 1861 que VacquIer Jules-Félix ( ancien militaire passionné d'archéologie ) découvrit les premières structures de ce petit théâtre , probablement construit au II siècle , à l'occasion de travaux dans le sous-sol du lycée Saint-Louis . Ce théâtre de forme semi-circulaire mesurait 72 mètres de diamètre . La façade située sous le lycée Saint-Louis , était percée d'arcades d'entrée séparées par des piles qui soutenaient les rampes d'escaliers utilisées par les spectateurs . De ce théâtre antique il ne reste de nos jours que quelques substructures non visibles au public . Tandis que les " arènes " situées à l'est de la ville offraient au public des spectacles de gladiateurs , de combats d'animaux ou de danse , le petit théâtre situé près des Thermes de Cluny devait accueillir les mises en scène plus modeste de pièces traditionnelles .
Lycée Saint-Louis Théâtre Gallo-romain Lycée Saint-Louis
Les Arènes de Lutèce
Cet édifice, qualifié de tout temps d'arènes, est connu depuis le Moyen Age ; des textes le mentionnent au cours du XIIe et XIIIe siècles. Il aurait été restauré à l'époque mérovingienne, mais les preuves ne sont pas absolues. La véritable résurgence du monument date des années 1860, lorsque fut exproprié le grand terrain où était édifié le couvent des augustines de la Congrégation Notre Dame et les jardins attenants, à la même période que le projet de percement de la rue Monge. En 1869 Vacquier découvrit les premier vestiges gallo-romains, peu de temps après la partie nord de l'arène était mise au jour . La France en guerre avec l'Allemagne avaient biend'autres préoccupations à l'époque que la préservation du patrimoine. On autorisa la Compagnie des Omnibus à construire un dépôt sur une partie de l'amphithéâtre qui de ce fait disparaissait au bénéfice de cette nouvelle construction !!! Un scandale éclata remettant en cause cette décision invraisemblable . Il se constitua un institut des savants pour protéger le site. En 1883, la crise était totale car la partie méridionale de l'édifice était à son tour dégagée.
Lutèce Arènes de Lutèce
Le 27 Juillet le président du conseil municipal reçut une lettre de protestation Victor Hugo. Le conseil municipal de Paris répondit rapidement à cette missive, et décida d'acquérir les vestiges de cet amphithéâtre gallo-romain qui furent classés à l'inventaire des monument historique. Un square fut établit sur le site afin de le valoriser.
Lettre de protestation de Victor Hugo
Monsieur le président Paris 27 Juillet 1883
Il n'est pas possible que Paris la ville de l'avenir renonce à la preuve vivante qu'elle a été la ville du passé. Le passé amène l'avenir. Les arènes sont l'antique marque de la grande ville. Elles sont un monument unique. Le conseil municipal qui les détruirait se détruirait en quelque sorte lui-même. Conservez les arènes de Lutèce. Conservez-les à tout prix. Vous ferez une action utile, et, ce qui vaut mieux, vous donnerez un grand exemple. Je vous serre les mains.
Victor Hugo
Aujourd'hui on peut voir une partie de l'édifice reconstitué. Cet emplacement pour ce monument au 1er siècle , sous le règne de l'empereur Trajan , avait été choisi pour la topographie du terrain, les architectes avaient réalisé cette construction afin qu'elle bénéficie d'un éclairage au soleil levant. Ceci permettait de plus aux spectateurs d'avoir une vue sur la vallée de la Bièvre, ceci offrait une vision panoramique, sur les collines de Ménilmontant et de Belleville . Cet endroit était un espace de spectacles qui attirait des personnes de toute la région . L 'édifice était de taille mesurant 130 mètres de long sur 100 mètres de large, il était le plus grand semi amphithéâtre connu en Gaule, en effet il pouvait contenir 18.000 spectateurs.
Dans toute ville romaine les édifices réservés au spectacle sont largement supérieurs à ceux réservés aux bains et au sport. On y trouve souvent un théâtre et un amphithéâtre, dans les très grandes villes un Odéon s'ajoute au théâtre. Ces monuments (théâtre et amphithéâtre) sont très chers pour les municipalités, mais leur préservation garantie un certain maintien de la romanisation des masses .
Les arènes de Lutèce un monument de type " mixte " mi-cirque , mi-théâtre
L'édifice se compose d'une arène faisant un ovale irrégulier, et qui est légèrement aplati du côté de scène. Cette arène mesure 52,50 mètres sur 46,8 mètres. Cette technique particulière pour dessiner et construire les amphithéâtres était bien connue des romains qui avaient résolu ainsi la construction des gradins concentriques, problème qui ne se pose pas dans la construction d'un théâtre : "son tracé est le résultat de deux coups de compas donnés à partir de centres légèrement écartés l'un de l'autre. L'un dessine le cercle incomplet de la cavea, et cette ligne circulaire permet de tracer tous les gradins sur le plan parfaitement concentrique ; l'autre forme de côté de arène moins curviligne, et le raccord des gradins et de la scène ne pouvant se faire dans ces conditions, un espace triangulaire les sépare, de chaque coté l'un de l'autre." Cette construction est originale et surtout met en valeur une avancée architecturale de taille.
L'arène ne comporte pas de fosse centrale mais elle est entouré d'un mur de Podium d'une hauteur de 2 mètres 50. Il y avait certainement dans une partie jouxtant le mur un couloir qui contenait les accès aux premiers gradins. Dans le mur on découvre la présence de petites niches qui pouvaient servir de petites chapelles de culte, plutôt que de coulisses . Sous les premiers gradins étaient creusés cinq petits réduits ( carceres ) qui menaient directement aux arènes. Les deux grandes entrées munies de solides grilles, formant chacune trois portes, une grande au milieu et deux petites sur les côtés permettent de penser que les conditions de sécurité étaient remplies car l'arène étaient en grande partie réservée à des exhibitions de combat d'hommes et d'animaux sauvages .
Les cages à fauves ou "Carceres" Gladiateurs
Loges des acteurs Gradins
On peut encore coir l'emplacement de la loge des acteurs , la plate-forme de la scène et les éléments lapidaires .C'est l'architecte Jules Formigé qui a été chargé des grands travaux de reconstruction . Les promoteurs immobiliers ont tenté en vain de dénaturer le site en voulant raser en 1980 ces vestiges pour bâtir un lotissement !!! Le square attenant comporte un monument en pierre à Gabriel Mortillet 1821-1898 ( archéologie et anthropologue ) édifié par.La Penne en 1905 à qui l'on doit également la fontaine Cuvier près de l'entrée du Jardin des Plantes , les éléments de bronze ont hélas disparu en 1942 . Ils ont été fondus pendant la guerre durant l'occupation comme hélas bon nombre de statues de bronze à Paris .
Aujourd'hui l'arène ne voit plus défiler de gladiateurs, à moins que l'on appelle ici les gamins du quartier qui viennent y jouer au football ou les amateurs assidus de pétanque. À l'occasion on peut y croiser un groupe de scouts chantant même si le lieu est principalement visité par des amoureux ou des voisins venus promener leur chien . A votre tour de vous laisser tenter par ce petit retour dans le passé gallo-romain de Paris !!!
Ref. Lycée Le Rebours