LE PASSAGE DELANOS
Aujourd'hui je me propose de vous faire découvrir l'histoire du passage Delanos , totalement méconnu de la plupart de parisien , qui va nous entraîner à une époque pas si lointaine où la "campagne était à Paris" !!!
Le Passage Delanos ( du nom du propriétaire du lieu ) est situé dans le Xème arrondissement de Paris . D'une longueur de 118 m et d'une largeur de 2.5 m , il débute au 148 rue du faubourg-Saint-Denis et se termine au 25 rue d'Alsace . La porte cochère qui marque son entrée rue du faubourg-Saint-Denis est surmonté d'une tête de vache , souvenir de la présence dans ce passage d'une "vacherie " où les habitants du quartier venaient s"approvisionner en lait frais .
Passage Delanos
Ce curieux passage est constitué d'une enfilade de trois cours successives de forme rectangulaire . Les deux premières sont perpendiculaires à la rue du faubourg-Saint-Denis et la troisième est positionnée en T . Cette dernière cour disposait , jusqu'à ces dernières année d'une sortie rue d'Alsace par un escalier aboutissant tout près des escaliers reliant à la gare de l'Est toute proche . Ce passage malgré sa rénovation récente a gardé tous son charme désuet !!! Lorsque l'on traverse ces trois cours on retrouve l'ame de ce Paris d'autrefois , aujourd'hui à tout jamais disparu ...
Première cour Deuxième cour Troisième cour
Le Passage Delanos
Voici un précieux renseigenment que m'a fourni un de mes lecteurs que je remercie chaleureusement .
" Je vais vous apprendre quelque chose de surprenant, dans la 1ère cour, il y avait au fond à gauche une petite épicerie, donc destinée aux habitants des immeubles du Passage, tenue par une vieille dame ; pratique pour les dépannages, toutefois il y avait les 1ers supermarchés dans le quartier ; à cette époque, il n'y avait ni codes, ni fermeture à la sortie rue d'Alsace, ce qui nous permettait facilement de prendre le métro Gare du Nord ou de l'Est. La population du quartier y était heureusement fort différente que maintenant ! "
Les vacheries parisiennes
Au XIXe siècle, et même encore au XXe siècle , Paris et sa banlieue abritaient un grand nombre de vacheries dont les propriétaires n'étaient jamais bien riches . Ces vacheries étaient encadrées par la réglementation sur les établissements classés insalubres , au même titre que les abattoirs , les clos d'équarissage et les industries chimiques etc. En 1886, on dénombrait 464 établissements laitiers, ou “vacheries” dans la capitale française, et 612 dans les faubourgs . En 1887 on dénombrait 6850 vaches reparties dans quelques 490 vacheries dans Paris qui fournissaient pas moins de 575.000 litres de lait frais aux parisiens !!! "La demande de lait a commencé à se développer au début du XIXe siècle, grâce à la mode du café au lait" précise Pierre Boisard dans "Mémoires lactées", mais le problème est que le lait ne pouvant être transporté de la campagne à Paris sans tourner, il a fallu créer, à Paris, des vacheries où étaient nourries des vaches à lait. Ainsi la traite du matin pouvait rapidement être distribuée alentour. Il va s'en dire que cette vente de lait cru , n'était pas sans danger pour le consommateur surtout lorsque l'on sait qu'à cette époque 10 à 50% du cheptel bovin était tuberculeux , à cela s'ajoutait la malpropreté des étables , et le manque total d'hygiène total lors de la traite et du stockage du lait !!! Ces pauvres vaches ne quittaient leurs étables que pour être conduites aux abattoirs . Ces vaches de réformes ne servaient guère que pour la confections de saucisse (nom donné par les bouchers à une vache maigre) et de saucisson .
Vacherie Cour de la Métairie Vacherie rue Mouffetard Vacherie rue Saint-Jacques
La spéculation foncière conduit les vacheries à être toutes rachetées par des promoteurs lorsque les propriétaires décèdent. De surcroît, les mauvais salaires versés aux garçons vachers entraînent une pénurie de personnel dans le secteur qui empêche une production régulière . En 1905 il ne restait plus que 278 vacheries à Paris . Avec l'arrivée des transports rapides à la fin du XIXe siècle, il a été possible de faire entrer à Paris du lait venant de la campagne environnante (15 à 20 kilomètres) , le lait " voyageur " comme on le dénommait à Paris . Ainsi, peu à peu, les "laiteries en grand" prirent le relais des vacheries . En 1907, on compte déjà 41 laiteries en grand à Paris. Peu à peu le lait devient un aliment reconnu et jusque dans les années 50, le lait est principalement vendu en vrac .
Vacherie rue de Torcy "Réclame" - 1900 Laitière à Paris - Atget
Un décret du 23 février 1950 impose, à partir du 1er janvier 1953, la vente de lait pasteurisé en bouteilles cachetées dans les villes de plus de 20.000 habitants . C'est la fin des boîtes à lait en aluminium. Et bientôt, vers 1977, le traitement UHT (ultra haute température) permet de conserver trois mois le lait, à température ambiante, contre quelques jours, au froid, pour le lait pasteurisé. L'industrialisation a eu définitivement raison des vacheries ( Réf. Hubert Demory ) .
Exposition " Vache art " à Paris
Voici de quoi vous donner quelques idées de promenades dans Paris , partez à la recherche d'ancienne vacheries , vous en en trouvez des traces notamment passage d'Enfer dans le XIVème et dans le petit jardin potager du marché des "Enfants Rouges" rue de Bretagne par exemple !!!