ABATTOIRS DE LA VILLETTE
Anciens abattoirs de La Villette Cité des Sciences et Parc de La Villette
Je me propose aujourd'hui de vous faire découvrir la passionnante histoire des anciens Abattoirs de La Villette aujourd'hui disparus . On peut encore apercevoir quelques vestiges des abattoirs de la Villette dans la Cité des Sciences et de l'Industrie Porte de la Villette et de son marché aux bestiaux dans le dans parc de la Villette , Porte Pantin .
Petite histoire de la boucherie à Paris
Le métier de boucher est sans doute l’un des plus vieux métiers du monde . Le mot boucher dériverait, de « bochier » celui qui était chargé d'abattre des boucs afin d’en vendre la chair. Le boucher , en quelque sorte, déshumanisait l’animal et dans le subconscient il était considéré pour beaucoup de personnes comme un sacrificateur laïc . On en trouve de nombreuses représentations dans les anciennes civilisations : préhistorique, égyptienne ( à Thèbes, dans le tombeau de Meketré, la reproduction d’une salle d’abattoir) romaine et gauloise .
Au moyen-âge le travail de la viande à Paris s’étendait, autour de l’île de la Cité nommée alors l’Ile aux vaches, puis autour du parvis de Notre-Dame , et de la prison du Grand Châtelet . Au centre trônait une église aujourd’hui disparue : Saint Pierre aux bœufs . Notre Tour St Jacques est le dernier vestige encore visible de nos jours de l’église St Jacques de la Boucherie, détruite lors de la Révolution . Des chemins tortueux jonchés d’immondices menaient à la Seine où s’effectuait la plupart des abattages . Il existe encore aujourd’hui la Rue Aubry le Boucher ( près du centre Pompidou ) , Cette voie est citée dans un acte d'avril 1275 sous le nom de « Vicus Alberici Carnificis » . sans doute due à un boucher appelé Aubry.
Grand Châtelet Saint-Jacques de la boucherie
La corporation des bouchers était très puissante et jouissait de privilèges accordés par le roi Philippe Auguste qui ne seront abolis qu’en 1858. L’extension des boucheries pris de l’ampleur au cours des années, du fait de l’augmentation des habitants.Les bouchers avaient leur tuerie attenant à leur étal, où à même la rue au total mépris de l’hygiène la plus élémentaire et des accidents que cela pouvaient entrainer lorsqu'un animal devenait furieux !!! La fonte des suifs était aussi opérée sur place par le même boucher, le sang ruisselait sous les pieds, les égouts n’existant pas encore . La corporation des bouchers était très puissante et jouissait de privilèges accordés par le roi Philippe Auguste et qui ne seront abolis qu’en 1858 !!!
Il faudra attendre 1810 date à laquelle Napoléon 1er décide la suppression de toutes tueries particulières dans l'enceinte de la capitale . Il ordonna la construction de cinq d’abattoirs dans Paris . Trois sur la rive droite : l'abattoir de Montmartre , ou abattoir de Rochechouart construit par les architectes Poidevin et Bellanger est le plus grand de tous avec 37.000 mètres carrés et 64 " échaudoirs " ( nom donné dans les abattoirs au local réservé à l'abattage ) . Il est situé Avenue Trudaine à l'emplacement de l'actuel Lycée Jacques Decours ( ancien collège Rollin ) . L'abattoir de Popincourt rebaptisé abattoir de Ménilmontant construit par les architectes Happe et Vautier au niveau de la Rue Parmentier et de Saint-Maur , il est le second en importance avec 64 échaudoirs ( seul abattoir de Paris à pratiquer l'abattoir selon le rituel israélite ) , l'abattoir du Roule ou abattoir de Mirosmenil construit par l'architecte Petit-Radel avenue Mirosmesnil , il était beaucoup plus petit avec seulement 32 échaudoirs .
Abattoir de Montmartre Abattoir du Roule
Abattoir de Popincourt
Deux autres furent édifiés sur la rive gauche : l'abattoir de Grenelle construit par l'architecte Gisors près de la Barriere de Sèvres possédant 48 échaudoirs . C'est après huit ans de travaux entrepris dans la cour de l'abattoir de Grenelle que le forage du puits artésien entrepris par l'ingénieur Louis-Georges Mulot , sous les conseils d'Arago , fut couronné de succès . En effet le 6 juillet 1841 une eau à 27° jaillissait de ce puits de 548 mètres de profondeur !!! C'est le seul abattoir de Paris qui bénéficiera d'eau chaude et pour lequel le terme " d'échaudoir " aura son véritable sens !!!
Abattoir de Grenelle Puits artésien de Grenelle
Abattoir de Grenelle
Le second , L'abattoir d'Ivry appelé ensuite abattoir de Villejuif ou des Deux Moulins édifié par l'architecte Lenoir près de la Barrière d'Italie ( aujourd'hui Boulevard de l'Hôpital ) . Il possédait 32 échaudoirs pour 27.000 mètres carrés . Par suite de la suppression de l'abattoir de Belleville , quatre échaudoirs y furent affectés pour l'abattage des chevaux en 1872 , choix sans doute dicté par la proximité du marché au chevaux . Autre particularité , l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris possédaient 8 échaudoirs dans cet abattoir pour son approvisionnement en viande . Plus de 500 bouchers travaillaient alors dans les 250 échaudoirs . Ces nouveaux abattoirs furent mis en services à partir de 1818 . On y adjoindra deux autres abattoirs pour les porcs L'abattoir de Château-Landon , rue de Château Landon et celui des Fourneaux , Boulevard Pasteur . Trois autres abattoirs viendront s'y ajouter lors de l'annexion à Paris en 1860 des communes limitrophes , ceux de La Villette ( rue d'Aubervilliers ) , qu’occuperont, après sa fermeture les différents services des Pompes Funèbres Générales de Paris , puis aujourd’hui le « 104 » , lieu de création et de production artistique . Enfin ceux de Belleville ( rue de l'Atlas ) et des Batignolles ( Rue de Clichy ) . Plus de 500 bouchers travaillaient alors dans les 250 échaudoirs . Ces nouveaux abattoirs furent mis en service à partir de 1818 .
Abattoir de Villejuif Pompes Funèbres Générales Le " 104 "
Les abattoirs parisiens étaient la source de nuisances multiples . Nuisances olfactives surtout dues au fondoir à suif , auditives et visuelles , auxquelles s'ajoutent les risques d'incendies dus aux réserves de paille et de foins ainsi qu'à l'utilisation des fondoirs à suif . Les abattoirs de Montmartre connurent un important incendie dans les greniers à foin en 1857 ainsi que les abattoirs de Grenelle en 1873 . Nuisances également lors des transports à pied des troupeaux d'animaux ainsi que ceux qui parvenaient à s'échapper des abattoirs . Plusieurs accidents mortels furent à déplorer . C'est pour toutes ces raisons que les abattoirs sont classés comme établissements insalubres de première classe (décret de 1810, ordonnance de 1838), et ne peuvent être ouverts sans autorisation administrative (ordonnance 1845, décret de 1866 ) . En raison de l'extension démographique de Paris et les nombreuses nuisances apportés par les nombreux troupeaux d'animaux se rendant dans les différents abattoirs de la capitale , le baron Haussmann suggéra en 1858 de regrouper tous ces petits abattoirs . Il décida la création de deux abattoirs . Un sur la rive droite , les Abattoirs généraux de la Villette avec son grand marché aux bestiaux , séparé des abattoirs généraux par le canal de l'Ourcq , en remplacement des marchés de Sceaux et de Poissy .
Abattoirs de La Villette Marché aux bestiaux de La Villette
Il ne subsiste aujourd'hui comme vestiges des anciens abattoirs de la Villette qu'une partie de l'horloge monumentale qui se touvait à l'entrée des abattoirs et la rotonde des vétérinaires aujourd'hui fermée .
L'horloge monumentale des abattoirs de La Villette
La rotonde des vétérinaires
De l'ancien marché aux bestiaux de La Villette ne subsistent que la grande halles aux bœufs , le restaurant buvette " Le Charolais " et les deux pavillons d'entrée du marché qui servainet à abriter les services administratifs .
La grande halle aux bœufs " Le Charolais " Bâtiment administratif
Sur la rive gauche on construira les abattoirs généraux de Vaugirard , rue de Dantzig ( aujourd’hui parc Georges Brassens ) auquel on adjoindra en 1907 ( rue Brancion ) un abattoir pour l’abattage des chevaux en remplacement de celui de Villejuif avec un marché aux chevaux en remplacement de celui qui se trouvait boulevard de l'Hôpital .
Abattoirs généraux de Vaugirard Abattoir hippophagique Marché aux Chevaux
LES ABATTOIRS DE LA VILLETTE - L'AGE D'OR
Les abattoirs de La Villette
On choisit donc pour la construction des nouveaux abattoirs, et du marché aux bestiaux le site de La Villette, excentré du centre de Paris et qui avait déjà possédé avant cette date, un lieu réservé à cet usage depuis 1816 (vers la rue Curial). L’expropriation commença, les décrets furent publiés et vite reconnus d’utilité publique. Le reste des terrains pour les aménagements fut grignoté sur des terres cultivées et des vergers. La proximité du bassin de La Villette , dont les travaux commencèrent en 1806 permettait l’approvisionnement en eau de la capitale et particulièrement des abattoirs de La Villette et assurant également un transport plus rapide des marchandises par les canaux .
La Villette Bassin de La Villette
La construction des abattoirs commença en 1865 sous la direction de l’architecte Janvier et Jules de Mérindol d’après des esquisses de Baltard (l’architecte des Halles de Paris) et on la termina pour l'exposition Universelle de 1867 qui mettait en valeur le monde du commerce, thème choisi pour cette exposition. On avait réalisé la création la plus grandiose de cette époque (dite moderne). Son coût s’éleva à 8 501 000 fr, comptes fantastiques, d’après Mr Jules Grévy alors Président de la République. Quelques mois plus tard le 20 octobre 1867 à la Porte de Pantin, on ouvrit le marché aux bestiaux sur 31hectares desservi par la nouvelle gare de Paris-Bestiaux . (bifurcation du chemin de fer de ceinture, depuis la gare Belleville- Villette) ce qui mit en partie un terme aux déplacements longs dérangeants et coûteux des bestiaux venant à pied à travers Paris et la banlieue . Autrefois le chemin de fer de ceinture franchissait le canal de l'Oucq grâce à un pont-levant aujourd'hui disparu , afin de rejoindre l'enceinte des abattoirs de La Villette .
Victor Baltard Gare de Belleville-La Villette Abattoirs de La Villette
Le marché de La Villette n’était pas qu’une destination finale des animaux de boucherie . Il était aussi une plaque tournante du négoce du bétail , car les marchands de bestiaux expédiaient vers les régions de l’est, environ 200 wagons (avant 1914) les lundis et jeudis . Cette gare fonctionna jusqu’à la fermeture des abattoirs en 1973 . Un pont-levant , aujourd'hui disparu , permettaient aux trains de bestiaux en provenance de la gare de Paris-bestiaux de pénétrer dans l'enceinte des abattoirs , comme vous pouvez le voir sur le plan ci-dessus .
Pont-levant sur le canal de l'Ourcq
Les abattoirs généraux de la Villette s’étendaient sur 52 hectares . Ils étaient situés tout près de l’octroi permettant à la régie de contrôler les marchandises et de prélever les taxes . En permanence ces abattoirs étaient protégés par la police et des gardes républicains logés sur place . Nombre de bouchers effectuaient ainsi , ici leur service militaire . Seules les personnes munies d’une autorisation pouvaient y pénétrer avec une carte ou un insigne épinglé sur leur blouse . Les commissionnaires et les propriétaires présentaient un certificat du maire de leur commune . Derrière les grilles de l’entrée des abattoirs était installé un pavillon d’octroi avec une bascule et le long du boulevard Mac Donald, se trouvaient la banque Gravereau , et le long du canal des petites industries utilisant les sous produits de l’abattoir. Sans oublier les rémouleurs , la lingerie et le vestiaire. Plus loin : à l’écart on trouvait les boyauderies et la triperie . A l'entrée se trouvait également une petite" conciergerie " où était entreposées toutes les clefs des échaudoirs . En effet les chevillards n'étaient pas propriétaires de leurs échaudoirs qu'ils louaient . L'abattoir tout comme le marché aux bestiaux étaient la propriété de la Ville de Paris .
Gare de Paris - bestiaux Gardes républicains
Pavillon d'octroi Boyauderie
L’entrée principale se trouvait sur la rue de Flandre ( actuelle rue Corentin Cariou ) . A l'entrée pn pouvait voir deux statues monumentales (fondues pendant l’occupation allemande) : celle d’une femme menant un bœuf, et l’autre représentant l’abattage d’un bovin illustrant l’activité des lieux . Après avoir franchi les pavillons d’entrée, on arrivait sur une grande place où se dressait la célèbre tour carrée de l’Horloge, qui portait un panneau indiquant le cours des ventes de la journée. Au sommet une cloche rythmait l’activité des lieux cette cloche salua le 11 novembre 1918, la nouvelle de l’Armistice et se tue à jamais . A gauche se trouvait la rotonde de la criée (ancien fondoir à suif) et à droite la « rotonde des vétérinaires » abritant également le poste de police , la commission de la boucherie, un local syndical et plus tard les services vétérinaires. Les vétérinaires des abattoirs étaient secondés par des officiers de police, formés sur place afin de détecter toute carcasse ou abat suspects, en vue d’une éventuelle saisie par les vétérinaires . Cette rotonde est le seul vestige encore visible aujourd’hui des anciens abattoirs de La Villette .
Entrée de l'abattoir Tour carrée de l'horloge Ancienne criée
Rotonde des Vétérinaires Insigne des officiers de police
Depuis la place de l’Horloge partaient 5 avenues bordées de platane. Le long de ces allées s’étalaient des corps de bâtiments abritant alternativement des échaudoirs et des étables . Les bouveries à taureaux se trouvaient près du canal de l’Ourcq. A proximité se trouvait également un lazaret pour les animaux contagieux en observation ainsi qu’un endroit réservé au stockage du fumier . Le site de La Villette étaient scindés en 2 parties : d’un côté (porte de la Villette, l’abattoir et le monde ouvrier et de l’autre (porte de Pantin,) le marché aux bestiaux qui centralisait le monde du commerce. Ces deux mondes, bien séparés étaient reliés par un pont étroit enjambant le canal de l’Ourcq où passaient les animaux se rendant dans l’abattoir .
Une allée des abattoirs Lazaret Direction vers le pont du canal de l'Oucq
Comme nous vous l’avons dit, rue d’Allemagne, actuellement avenue Jean Jaurès se trouvait le marché aux bestiaux, orné par une fontaine connue sous le nom de : « fontaine aux Lions de Nubie » . Cette fontaine , encore visible de nos jours , se trouvait autrefois Place de la République . Déplacée , elle sera installée à l'entrée du marché aux bestiaux de La Villette pour que les bêtes puissent boire à leur arrivée. De part et d’autre s’élevaient deux bâtiments néoclassiques ; à droite les services administratifs et la poste . A gauche se trouvait la Bourse aux bestiaux et un casernement de la Garde républicaine qui surveillait le marché aux bestiaux . Au milieu la « halle aux bœufs », la plus grande œuvre de Jules de Mérindol de 20.000 m², pouvait recevoir jusqu’à 10.000 gros bovins . Les taureaux solidement entravés était placés le long de la grande halle . Cette halle aux bœufs a été miraculeusement conservée ; magnifiquement restaurée elle accueille de nombreuses manifestations culturelles et artistiques tout au long de l'année .
Fontaine " aux lions de Nubie " Ancienne bourse aux bestiaux
Gardes républicains La grande halle aux bœufs
La grande halle aux bœufs
Deux autres halles de 10.000 m² chacune existaient . Une pour les moutons ( environ 4.000 têtes ) et une autre pour les veaux et les porcs ( environ 2 500 têtes ) . Le long du canal on trouvait des bouveries , des porcheries, des bergeries . Ces différentes stabulations accueillaient les animaux dès leur arrivée sur le marché . Les animaux invendus y retournaient pour attendre le prochain marché . Passé le délai de deux marché consécutifs , ils devaient soit trouver un acheteur sous peine d'être abattus d'office afin de ne pas encombrer inutilement les lieux de stabulations . Le monde ouvrier viril de ces abattoirs forgeait des têtes de durs, C’était les « gars de la Villette». Ils travaillaient ensemble souvent 14 heures par jour. Tous ces hommes venaient du monde rural, mais avant tout ils étaient solidaires et l’amitié était présente même les vieux et les invalides , y faisaient des petits bouleaux . C'était une époque où chacun trouvait sa place quelque soit son âge où son handicap !
Halle aux moutons Halle aux veaux et aux porcs
Pour dialoguer ils parlaient souvent leur patois d’origine, et le tutoiement était de rigueur. Ils inventèrent également l’argomuch, c’était plutôt un argot imagé « le louchébem » surtout parlé par les bouchers détaillants ( loucheb signifiant boucher ) . Les rires fusaient quand ils discutaient entre eux sans être compris par les autres. Le mot « loufoque» (fou), entré dans la langue française est issu de " l’argomuch " . Patrons et ouvriers travaillaient ensemble et même la politique n’était pas mise. Ce curieux argot était bien compliqué. Dans ce milieu fermé, tout le monde se connaissait, ce qui faisait oublier la pénibilité des tâches. Mais Ils avaient le respect naturel de l’homme sur l’animal qu’ils "déshumanisaient" . Les femmes n’étaient pas nombreuses et occupaient les emplois subalternes .
Les bouchers seront impliqués au cours de l'histoire lors de différentes révoltes . Au Moyen-âge un certain "Caboche" de son véritable nom Simon le Coutelier, deviendra le chef populaire de la révolte des "Cabochiens" lors d'une insurrection parisienne favorable au duc de Bourgogne Jean sans Peur au début du XVème siècle . Sa mère vendait des tripes sur le parvis de Notre-Dame de Paris . Le surnom de Caboche provient peut-être du fait qu'il fendait les têtes des bovins et des ovins pour en vider la cervelle . Le nom de " caboche " est resté dans le langage familier pour désigner la tête . Il fut à la tête de la révolte des Cabochiens qui sévit à Paris d'avril à août 1413. En mai 1413 , c'est lui qui conduisit les Bourguignons lors du massacre des Armagnacs à Paris . En septembre, lors de la reprise en main de la ville par les Armagnacs , il réussit à s'enfuir avec Jean sans Peur . Lors du retour du duc à Paris en 1418 , après le massacre des Armagnacs, Caboche se tient à l'écart des excès qui le caractérisent et occupe une fonction auprès du duc, loin de l'agitation populaire . Au début du siècle dernier le marquis de Mores et son ami Jules Guérin séduisirent certains bouchers des abattoirs de La Villette pour ses idées anarchistes et antisémites pendant l’affaire Dreyfus . Armés de canes plombés les bouchers ils iront grossir les troupes de chocs nationalistes et se livreront à d'odieuses agressions antisémites .
Révolte des Cabochiens Le marquis de Mores Jules Guérin
La nuit , à leur arrivée, à la gare du marché aux bestiaux , les animaux étaient débarquées des wagons , par des employés aidés de leurs chiens , le plus souvent des corniauds croisés de briards , ou de bas-rouges . Les moutons entre 400 et 500 , étaient accueillis par des hommes et quelques femmes, qui les aidaient à débarquer pour éviter qu’ils ne se cassent les pattes . Les taureaux étaient conduits par deux ou trois solidement attachés derrière des charrettes basses sur roues appelées " vachères " . Certains animaux étaient débarqués en gare de Pantin et de la Chapelle et rejoignaient le marché aux bestiaux par les " boulevards extérieurs " . Les bêtes arrivaient assoiffées, fatiguées, quelque fois étouffées, même mortes. Une forte odeur, enveloppait tout cela : fumée des trains , sueur , fumier et en plus les bousculades étaient inévitables . La tâche était pénible mais on ne laissait rien paraître .
Débarquement des bœufs Désinfection d'une vachère
Il n'était pas rare de croiser sur les quais de débarquement des bestiaux de pauvres femmes qui au petit matin ramassaient les crottes de chiens qu'elles allaient ensuite vendre au " Marché des crottes de chiens " qui se tenait à Paris ! Ces déjections canines étaient ensuite revendues aux mégissiers du quartier des Gobelins . Les mégissiers utilisaient ce curieux produit pour " digérer " les restes de viande encore présents sur les peaux .
Marchand de crottes de chien
Toutes les bêtes passaient ensuite une par une à l’enregistrement pour être comptées et visionnées par le service vétérinaire qui détectaient d'éventuelles maladies . Après elles se dirigeaient vers leur stabulation respective pour une dernière journée de calme . Le lendemain, vers 5 heures du matin , on les triait , les bichonnait une dernière fois en prévision de la vente et quelquefois on les maquillait et cachait leurs défauts . En même temps vers l’entrée du marché , on procédait au tirage au sort pour connaître leur place dans les halles . Les meilleures places , c'est-à-dire les endroits les plus passants pour les plus belles bêtes . Elles étaient attribuées par le « maître - placier » habillé d’une blouse plissée bleu « villette » et coiffé d’une casquette . Pour les veaux , des femmes en prenaient soin dès leur arrivée . C’étaient les « nourriceuses » , car les veaux perdent rapidement du poids lorsqu’ils sont stressés . Elles leur donnaient des biberons, et de la farine. Au milieu du brouhaha , à 10h30, la cloche annonçait le début des ventes . Généralement, commissionnaires et éleveurs après un tour, partaient discuter à la buvette du marché " Le Charolais " , miraculeusement conservée , et laissaient la place aux chevillards qui palpaient les cuisses , évaluaient le poids de la peau, de la graisse . Des officiers de police vérifiaient l’état sanitaire des animaux présents sur le marché . Seul la vente des taureaux commençait 9h30 afin qu'ils puissent quitter plus tôt le marché pour rejoindre les bouveries à taureaux .
Bouveries du marché Parcs à moutons Halles aux bœufs
Le " maitre - placier " Les " nourriceuses " Buvette " Le Charolais "
Les taureaux
Le marché aux bestiaux de La Villette connu même son heure d'exotisme avec l'arrivée en 1905 , sous la grande halle aux bœufs , de zébus malgaches . Inutile de vous dire la surprise que cela créa sur le marché ce jour là !!!
Zébus de Madagascar sous la grande halle aux bœufs
Ensuite commençaient les négociations . Après l’accord on topait dans la main pour sceller la vente , Sur ce signe , on ne revenait jamais , il faisait foi de parole et " cochon qui s'en dédit " ! Les bêtes étaient alors marquées " aux forces "( sorte de ciseau avec lesquels on coupait les poils du signe du nouveau propriétaire ) . Tout ceci se passait au milieu de grands bruits : niveaux des conversations, beuglements des animaux, aboiements des chiens. A 14h30 la cloche mettait fin à ces bruits et aux transactions . Les bovins marqués étaient dirigés vers les bouveries des abattoirs ou au marché aux bestiaux pour les invendus . Les moutons étaient menés par " le mignard " , un vieux mouton dressé qui marchait en tête et dirigeait le troupeau . Les veaux et les porcs étaient menés en camion. Les animaux non vendus, réintégraient leurs stabulations pour le marché suivant ( huit jours maximum ) sous peine d'être impérativement abattus. Les bruits alors s’estompaient et le service de nettoyage armé de jets d’eau et de désinfectant arrivait et remettait de l’ordre pour le marché suivant .
Début des ventes " Cochon qui s'en dédit " ! Paire de " forces "
Bouveries du marché Direction les abattoirs Le " Mignard "
Pour les marchands de bestiaux, c’était l’heure des comptes et cela se passait le plus souvent dans les cafés et restaurants avoisinants la porte de Pantin, comme et qui ne désemplissaient pas. Au milieu de l’épaisse fumée de cigarettes ils riaient, chantaient, gueulaient, quelquefois s’engueulaient, s’insultaient et même se bagarraient. Mais dans l’ensemble la camaraderie était de rigueur . Les marchands de bestiaux se retrouvaient à l’Horloge , chez Kiki , au Pied de Mouton , chez la Mère Mezières ou au Cochon d’Or . Les chevillards eux se retrouvaient chez Capoulade. Les repas fins se déroulaient au Veau d’Or, chez Edon devenu le Bœuf Couronné ou chez Dagorno aujourd’hui disparu . Le restaurant l’Amiral recevait les syndicats des patrons et les hommes politiques en autre . On traitait les affaires seulement en argent liquide , les porte- feuilles étaient bourrés de billets et même souvent les liasses énormes de billets étaient enveloppées dans du papier journal et bourraient les poches des blouses ou des vestes . Les banques étaient pour ces gens , une perte de temps pour la paperasserie et en général les restaurants était pour eux , les lieux les plus sûrs pour ces transactions financières . C'est seulement à partir de 1960 que le paiement par chèque deviendra obligatoire . Pendant ce temps tout ce monde se désaltérait de beaujolais ou de grands crus et payait sans regarder à la dépense . Une clientèle parisienne venait aussi le soir dans ces restaurants afin d’y retrouver cette ambiance surréaliste de lundis et jeudis jours de marché . Le restaurant " A la ferme de La Villette , avec son célèbre mouton attaché devant l'entrée de l'établissement , sera l'un des derniers restaurants de cette époque à disparaître .
" Au Cochon d'Or " " A la Ferme de La Villette " " Le Bœuf Couronné "
Restaurant " A la ferme de La Villette
LE TRAVAIL AUX ABATTOIRS
L’abattage des animaux qui se faisait chaque jour, sauf le samedi et le dimanche et le vendredi saint . On commençait dès six heures du matin. On ne s’arrêtait pas à l’heure du déjeuner mais on s’aménageait une solide pause casse-croûtes pour qu’impérativement à 14 heures heure réglementaire de la fin des abattages. L’abattage se faisait dans les échaudoirs et les cours de travail . Les échaudoirs étaient tenus par les chevillards (patron boucher en gros) . La cheville étant un gros crochet de métal pour suspendre les carcasses d’où le terme « vendre à la cheville » . En 1921, pour le travail des bovins, il y avait 320 chevillards et 1800 ouvriers. Pour les porcs : 20 patrons et 250 employés dont presque la moitié était des femmes . Le métier de boeuftier, était le métier le mieux payé (4 fois le salaire d’un employé de bureau) , suivait le veautier puis le moutonnier et enfin celui que l’on appelait le " gargot " pour les porcs .Tous bénéficiait de la " défense " . C’est-à-dire de morceaux comme la gorge , le cœur ou la hampe que l’on leur attribuait en sus de leur salaire . Puis suivait différents métiers qui utilisaient les " sous-produits " d'abattoir comme : les pansiers qui ramassaient les abats , les boyaudiers qui récupéraient les intestins , les sanguins et les glandiers , sans oublier le ramassage des peaux effectué par des employés de la maison Fisher située le long du canal près de la Porte de la Villette .
Echaudoirs à la Villette Echaudoirs et cour de travail Bœuf suspendu à la cheville
Pistolet d'abattage " Matador "
Le bouvier ou le boucher allait chercher les bêtes , à qui on mettait quelquefois un masque sur les yeux , dans les bouveries de l’abattoir pour les conduire dans les échaudoirs pour y être abattus . En fait les bêtes étaient abattus dans la cour de travail , l'échaudoir ne servant qu'à entreposer les carcasses . Les tueurs portaient à la ceinture leur "boutique" , une sorte d'étui en bois contenant leurs différents couteaux , et un fusil . L’animal était attaché par une corde liée entre les cornes à un anneau fixé au sol , ce qui l’obligeait à baisser la tête . Dans l’échaudoir, local de 50 m², le chevillard s’affairait en général avec une brigade de 4 à 10 garçons bouchers suivant l'importance de l'échaudoir . Ils étaient sous les ordres du "maître garçon " . A La Villette, l’abattage et le dépeçage se faisaient de la même façon qu’au moyen-âge ! Le maître garçon , chef des boeuftiers , chaussé de gros sabots avant la guerre et plus tard de bottes en caoutchouc , armé d’un merlin anglais frappait la bête entre les deux cornes afin de l’assommer , n’était pas tueur qui voulait , il fallait de la force et de l’adresse pour agir vite et ne pas faire souffrir les bêtes . Le 2e garçon , genou au sol maintenait la tête. Pour assommer l’animal on utilisait le merlin anglais. . On a aussi utilisé quelque fois le masque "Bruneau" muni au niveau du front d’un boulon en fer qui perforait le crâne sous le coup de la masse . Puis on passait un jonc dans la tête de l’animal pour détruire les centres nerveux . Plus tard on abandonna le merlin au profit du pistolet à cartouche percutante ( matador ) toujours utilisé de nos jours . Le troisième garçon détruisait la moelle épinière avec une tige de jonc . Après avoir été saigné et éviscéré l'animal , la carcasse était suspendue dans l'échaudoir par les jarrets à une grosse poutre en bois la " pente " puis sciée en deux . Un remarquable film documentaire a été tournée par Georges Franju dans les abattoirs de La Villette et de Vaugirard après la dernière guerrre . Si vous n'êtes pas trop sensible vous pouvez le visonner sur le site internet " Bella ciao " .
Bouverie de l'abattoir Direction l'échaudoir
Abattage avec le merlin anglais
Masque Bruneau Pistolet d'abattage Carcasse suspendue aux pentes
Dépeçage avec la " chignole "
Le cinéaste Georges Franju , fondateur avec Henri Langlois de la Cinémathèque française , a réalisé un film documentaire en 1946 sur le travail aux abattoirs hippophagique de Vaugirard et aux abattoirs généraux de La Villette intitulé " Le sang des bêtes " .
ATTENTION CERTAINES SCENES DE CE FILM PEUVENT HEURTER LES PERSONNES SENSIBLES
Le sang des bêtes 1949 Georges Franju
Rien n’était perdu : les panses, têtes et pieds étaient consommés , les boyaux servaient pour les andouillettes et les saucissons , les vessies servaient pour la fabrication des ballons et des blagues à tabac ou des cordes de violon , les nerfs de bœuf pour les cravaches , les déchets pour les engrais , les pieds de moutons pour la confection d’huiles pour l’horlogerie , les cuirs pour l’habillement ou le mobilier , les cornes pour les peignes ou les manches d’outillage, les crins pour les coussins ou les pinceaux , le sang pour les engrais et la colle , les glandes et les fœtus pour les pour les produits cosmétiques , le suif en stéarine pour les bougies , les peaux pour la maison Fisher, etc... c’est ce que l’on appelait le " 5ème quartier " qui rapportait plus au chevillard que la vente seule de la viande !
Pour être complet, il faut mentionner les carrés réservés à l’abattage des bœufs selon le rite de la religion juive par un sacrificateur ( des rabbins dûment mandatés et formés par le consistoire israélite ) portant une calotte noire sur la tête. Les bêtes n’étaient pas assommées, mais saignées directement après avoir été solidement entravées par une chaine qui maintenait la tête au ras du sol et par une autre fixée aux deux pattes avant . Cette chaine était reliée au treuil pneumatique de l'achaudoir . Puis le sacrificateur examinait l’animal pour vérifier qu’il n’était atteint d’aucune maladie avant de le déclarer "casher" et de lui apposer le tampon du consistoire israélite . Du début jusqu’à la fin du XIXe siècle, période où la tuberculose était en pleine extension , il existait à La Villette une mode bien curieuse : des messieurs en habit et haut de forme et des dames quelquefois en crinoline venaient dès 7 heures du matin boire un plein verre de sang frais de veau ou de bœuf pour prendre des forces et en échange, gratifiaient le tueur de quelques pièces , en remerciement. La première fois ils avaient des haut le cœur et devaient souvent ajouter un peu de sel ou de sucre pour pouvoir ingurgiter ce curieux breuvage recommandé pour soigner l'anémie !!! Il y avait également un carré réservé à l'abattage selon le rituel musulman .
Abattage rituel israélite Les " Buveurs de sang "
Tous ces employés avaient les pieds dans l’eau et le sang . Un bonne brigade abattait et préparait en moyenne environ 15 bêtes par matinée. A la fin de la journée certains patrons payaient une tournée bien méritée . L’abattage des veaux était un peu différent. Pas de coup de merlin , on leur tranchait la gorge après les avoir couchés et attachés sur un petit étou et au préalablement assommés . Environ 35 veaux par matinée étaient abattus par échaudoir. Les moutons étaient abattus à la chaîne, égorgés, soit 100 à 250 bêtes par jour. Pour les porcs autrefois cela se passait différemment. Après une poursuite dans la rotonde, ils étaient assommés à coup de maillet , dans un bâtiment appelé le "brûloir", haute rotonde vitrée que l’on surnommait « l’enfer » recouvert de paille que l’on enflammait pour flamber les bêtes abattues . Ces travaux étaient assurés souvent par des femmes : les cochonnières, fortes filles au vocabulaire très imagé, manches retroussées, sabots aux pieds et tablier de toile sur le ventre . Après l’égorgement, elles récupéraient le sang qui mélangé à du vinaigre servait pour faire le boudin . Ensuite les soyeuses venaient enlever immédiatement les soies et lavaient les panses. Les installations étaient isolées dans la partie nord est des abattoirs à cause des mauvaises odeurs, car ce travail était considéré comme travail sale, effectué par des hommes sales et vulgaires disait-on. Une chaîne d’abattage moderne pour les porcs verra le jour après la guerre et la rotonde sera détruite . .
Cour de travail Abattage des veaux Abattage des moutons
Le bruloir aux porcs Les " cochonnières "
On embauchait régulièrement de jeunes apprentis dès 14 ans et quelquefois même moins , appelés les "agneaux" dans le jargon des abattoirs . Il fallait commencer dès le plus jeune âge afin de pouvoir s’inscrire sur la liste d’attente et espérer devenir à son tour patron d’un échaudoir. Ils étaient formés sur le tas, et déjà à 20 ans ils avaient le métier dans la peau . Après 14 heures, le son de la cloche annonçait la fin des tueries . Les carcasses de bœufs étaient présentés à la vente dans les échaudoirs . Celles des veaux et des moutons étaient placés sur des chevalets à roulettes dans les cours de travail . Ils étaient tous marqués du cachet sanitaire apposés par les services vétérinaires , afin d'être proposés à la vente et pouvoir sortir de l'abattoir , conformément à la loi . Les lois , tant pour l'abattage que pour le traitement et la conservation des viandes , étaient très srictes au sein des abattoirs de La Villette . Grâce à un service vétérinaires très bien organisé elles étaient scrupuleusement observées sous peine de se voir fermer temporairement ou définitivement son échaudoir .
Carcasses de bœufs Carcasses de moutons prêtes à la vente
Les bouchers apposaient leur marque propre sur leur viande, d’autres hommes pesaient ces morceaux et les livraient chez l’acquéreur. Les coltineurs habillés d’un tablier de caoutchouc et coiffés d’un bonnet rouge, qui leur servait de coussin sur la tête quand ils chargeaient ces morceaux jusqu’aux véhicules de livraison étaient assistés par des "meneurs de viande " (souvent Savoyards) qui transportaient un demi bœuf quelquefois de près de 120 kg sur leur dos ! Ce qui restait était vendu un peu moins cher à la criée aux bouchers parisiens par pièces de 7 kg . C’était la dernière étape avant la sortie de l’abattoir où les taxes de l’octroi étaient perçues dans le bâtiment d’entrée muni d'une balance . L'octroi ne sera supprimé qu'en 1943 ! Après la guerre une nouvelle criée fut construite près de l'entée des abattoirs .
Meneurs de viande
Ancienne criée Nouvelle criée Pavillon d'octroi
Les abattoirs de la Villette procuraient une activité énorme dans le quartier et la proche banlieue. On trouvait à proximité tout ce que les bouviers et les bouchers pouvaient avoir besoin : les fournitures spécialisées étaient dans l’avenue Jean Jaurès et avenue du Pont de Flandre . Il y avait aussi des blanchisseries pour l’entretien du linge, des rémouleurs, des marchands de couteaux, des tenancières de vestiaires où les ouvriers pouvaient se changer pour rentrer chez eux, (rien n’existait dans ce domaine, à l’intérieur de l’abattoir) , Certains préféraient se changer dans les cafés situés devant les abattoirs . Les ouvriers aimaient rentrer chez eux habillés comme des employés de bureau. De nombreux cafés et restaurants se trouvaient devant l’entrée des abattoirs avenue Corentin Cariou comme "Tartine" où les bouchers apportaient parfois leur « gobet » (petit morceau de viande) à cuire pour leur déjeuner , la Comète des Abattoirs, le Relais de La Villette , le Grand Pavillon , Au Cochon de lait où les bouchers apportaient parfois leur « gobet » (petit morceau de viande) à cuire pour leur déjeuner . Il existait aussi une attraction surprenante : le " ratodrome " situé près de la porte de la Villette à Aubervilliers qui attirait les curieux, pour voir des chiens, poursuivant d’énormes rats nombreux aux abattoirs presque aussi gros que des chats .
Magasins de fournitures des bouchers Vestiaire de La Villette
" Au Cochon de lait " " Tartine " Le Ratodrome
La période fastueuse de La Villette se situa entre les deux guerres et fut appelée " l’âge d’or " . Une fête était alors célébrée tous les ans à l’occasion de la mi-carême : la cavalcade du Bœuf gras . La cavalcade partait du marché aux bestiaux et allait jusqu’à l’Opéra. Pour cette fête du Carnaval on faisait monter le plus gros bœuf 1.500 kg environ , sur un char en tête du défilé suivi d’autres chars chargés de fleurs, de figurants et de musiciens déguisés , escortés des gardes républicains , qui arpentaient les rues pendant plusieurs heures et déposaient le bœuf devant le restaurant qui l’avait acheté et reversait ainsi l'argent aux pauvres du quartier. Une cavalcade identique avait lieu au départ des abattoirs de Vaugirard .
La cavalcade bœuf gras lors de la mi-carême
L'opéra de Giuseppe Verdi " La Traviata " se passe le jour du carnaval à Paris et le chœur des Masques évoque le défilé du bœuf gras : " Place au quadrupède , sire de la fête , Fleurs et pampres couronnent sa tête... Place à la plus docile des bêtes à cornes , Qu’on le salue avec fifres et trombones ".
Défilé du bœuf gras pour le carnaval
Les ouvriers de La Villette touchaient environ trios fois plus que dans les autres corporations . Après 1914 par suite de la pénurie de main d’œuvre due à guerre 14-18 les hommes disponibles commencèrent à réclamer certains papiers : comme des fiches de paye et autres , ce qui entraîna les pourparlers avec les syndicats . On parlait également de l’installation d’appareils frigorifiques modernes très coûteux … Il fut déjà question à cette époque de la reconstruction des abattoirs à l’image de ceux de Chicago . Ces projets furent différés une fois de plus … Les bouchers craignaient en outre qu'un abattoir moderne , avec des chaines d'abattage , n'entraine du chomage parmi leurs rangs !!! Les gars de La Villette aimaient se retrouver les dimanches soir dans les bars de Belleville et au coin des rues de Flandre et de l’Ourcq pour boire et danser et oublier quelques instants leur dur labeur. Mais les restaurants huppés, près des abattoirs attiraient les gens aisés et également le monde du spectacle, de la chanson et du cinéma. On y vit entre autre Mistinguett , qui fréquenta un chevillard , Arletty , Gabin , Francis Carco , Renoir , Vincent Scotto . La Villette fut le sujet de nombreuses chansons , dont une restée célèbre d'Aristide Bruand " A La Villette " et parmi d'autrs nous pouvons citer : Boris Vian " Le tango des bouchers de La Villette et Bourvil " La gentille fille des abattoirs " . Rosa Bonheur peintre animalière , qui eut un succès considérable à son époque , peignait , assise sur les bords de la fontaine ou dans les bouveries de l'abattoir des scènes réalistes nécessitant la présence d’animaux . Afin de ne pas être importunée elle avait obtenue l'autorisation de se travestir en homme !!! C’est curieusement au frère de Rosa Bonheur, Isidore Bonheur , sculpteur animalier , que l'on doit les deux taureaux en bronze qui ornaient l’entrée des anciens abattoirs de Vaugirard et qui sont toujours visibles devant l'entrée du parc Georges Brassens .
Cafés devant les abattoirs de La Villette " A La Villette "
Rosa Bonheur Tableau de Rosa Bonheur Entrée des abattoirs de Vaugirard
Les bouchers de La Villette n'étaient pas tous insensibles à la musique , puisqu'ils créèrent en 1906 une fanfare qui se produisait à la plus grande joie des habitants dans les rues du XIXème et lors de différentes fêtes .
Fanfare des abattoirs de La Villette
Le célèbre accordéoniste Emile Prud'homme travailla dans sa jeunesse comme " agneau " ( nom donné aux apprentis dans les abattoirs ) aux abattoirs de La Villette . Il composa un paso-doble intitulé " Corrida à La Villette " . Il anima longtemps le bal musette " Le Tourbillon " situé rue de Tanger et le bal des Vertus rue d'Aubervilliers tous deux fréquentés par les bouchers de La Villette .
LES ABATTOIRS DE LA VILETTE - LE DECLIN ET LA FERMETURE
Après la guerre, devant la multiplication de nombreux abattoirs ultra-modernes en région parisienne et en province , un besoin impératif de modernisation se fait sentir pour cet abattoir général devenu trop vétuste . Le seul progrès durant toutes ces années avait été l'installation de treuils pneumatiques en remplacement de ceux manuels , et dans certains échaudoirs de l'apparition de scies électriques . On continuait de travailler aux abattoirs de La vilette comme au Moyen-age ! On avait envisagé une restructuration totale des abattoirs vers 1955 , mais une fois encore elle avait été repoussée . Finalement la décision est prise le 18 décembre 1958 de construire un abattoir moderne répondant à des normes d'hygiène plus rigoureuses . En avril 1963 les travaux de démolition et reconstruction se succédèrent jusqu’en 1968 . Les travaux devaient s’élever à 133 millions de francs. Le 7 mai 1963 avait eu lieu l’inauguration officielle par une assemblée importante et la municipalité du XIXe arrondissement des premières réalisations du Marché d’Intérêt National Paris-La Villette. Il comprenait : un bâtiment ultra moderne de stabulation ouvert en 1964 , un bâtiment d’abattage modernes en service depuis 1969 et une immense salle des ventes aux trois-quarts terminée en1970 , aujourd’hui Cité des Sciences et de l'Industrie , alors que dans un même temps on donnait les premiers coups de pioche du nouveau Marché de la Viande à Rungis ! Ce nouvel abattoir fonctionnera très mal suite à de nombreuses erreurs de conceptions . Par ailleurs les bouchers détaillants avaient pris l’habitude, depuis la fermeture des anciens abattoirs, de se fournir en viandes dans les différents abattoirs de la région parisienne (Meaux, Versailles, Coulommiers , Couilly-Pont-aux-Dames etc.) .
Démolition des abattoirs de La Villette
Les nouvelles bouveries de l'abattoir
Le nouvel abattoir de La Villette
Salle des ventes Pavillon des viandes - Rungis Abattoir de Coulommiers
Ce projet s’était englué dans un système administratifs compliqué et irréfléchi. Quelques années après, des rumeurs s’enflèrent pour annoncer le nouveau marché de Rungis et en 1970 on annonça franchement le transfert du marché de la viande à Rungis . Le montant des travaux s’élevait maintenant à 1200 millions de francs. Ce fut un grand scandale financier sans précédent ! Dans le même temps, par suite de l’amélioration des conditions de transport de la viande foraine , l’approvisionnement du marché aux bestiaux passa de 1.061.000 en 1968 à 33.000 en 1971 date où les travaux furent définitivement arrêtés. Le marché fut transféré à Rungis en 1969 sur un espace de 230 hectares , avec 40 pavillons , un appareillage électronique , et matériel frigorifique inconnu jusqu’à ce jour. (Air pulsé pour conservation de la viande à 7°) . Le Gouvernement mit un terme aux activités des abattoirs en 1974. Le dernier bœuf fut abattu à La Villette le 14 mars 1974. Le marché de la viande qui avait été le plus important d’Europe cessa de vivre à Paris et tout un quartier perdit son âme ! La fermeture des abattoirs de La Villette entraina quelques années après celle de nombreuses sociétés tant à Aubervilliers qu’à Pantin qui utilisaient les sous-produits des abattoirs (savonnerie, parfumerie, produits chimiques engrais etc.). L’abattoir privé de porcs « La Nationale » situé à Aubervilliers fermera en 1974 .
Marché de Rungis Pavillon de la viande à Rungis
Abattoirs de porc " la Nationale " à Aubervilliers
Le Parc de La Villette
Quelques années après les 55 hectares du site laissés à l’abandon . Le projet de création d'un musée des Sciences et de l’industrie dans la salle des ventes inachevée et d'un parc est alors adopté, commencé timidement sous Giscard d’Estaing, il est relancé et achevé sous Mitterrand. Une Cité de la musique s'ajoute alors au projet d'un Musée des Sciences et techniques, le tout agrémenté d’un parc. Le projet de réhabilitation du site est confié à Bernard Tschumi, architecte français d’origine suisse. Il construira pour agrémenter son parc ses « folies » . Seront tour à tour inauguré : le Zénith en 1984 , salle de spectacle qui remplaça le Pavillon de Paris , la Grande Halle (ancienne halle aux bœufs) réhabilitée par les architectes Bernard Reichen et Philippe Robert, qui ont su en faire un remarquable espace polyvalent . La Géode œuvre de Fainsilber en 1985 , la Cité des Sciences dans l’ancienne salle des ventes inachevée et réhabilitée par Fainsilber en 1986, le Conservatoire Supérieur de Musique en 1990 construit par Portzamparc , le Pavillon Delouvrier en 199 et la Cité de la Musique de Portzamparc en 1995 . D’autres bâtiments y verront encore le jour. Actuellement se termine la construction du plus grand auditorium de France réalisé par l’architecte Jean Nouvel, à côté de la Cité de la Musique,et dont l’ouverture est prévue pour fin 2012 .
Salle des ventes inachevée Les " Folies de Tschumi Le Zénith
La Grande Halle La Géode Le conservatoire supérieur de Musique
Le pavillon Delouvrier La Cité de la Musique La future " Philarmonie "
Je voudrais pour terminer vous recommander deux ouvrages sur l'histoire des abattoirs si ce sujet vous intéresse . Le premier de Madame Elisabeth Philipp , historienne de renom , intitulé " La Villette " et celui d'André Graverau " Chère Villette " , qui avait installé sa banque à l'intérieur des abattoirs de La Villette . Vous pouvez encore trouver ces ouvrages hélas épuisés sur les sites internet de ventes en ligne . Je voudrais également vous recommander la remarquable thèse de mon cher ami Monsieur Haddad , ancien chevillard et " mémoire vivante " de de La Villette !
- REMERCIEMENTS -
Monsieur et Madame Vedovato et moi-même avons eu, au sein de l'association " CHER 19 " ( Conservatoire Historique d’Études et de Recherches du 19ème arrondissement ) placée conjointement sous la direction de Monsieur Patrick Bezzolato et de Monsieur Claude Cormier , l'occasion de faire de nombreuses conférences sur l'histoire des abattoirs de La Villette . La réussite de nos conférences a été rendue possible grâce au remarquable travail de Madame Vedovato pour la rédaction du texte , de Monsieur Vedovato pour l'agencement des documents photographiques et de mes souvenirs de jeunesse aux abattoirs , qu'ils en soient ici grandement remerciés !!!
Ouvrages sur La Villette Conférence du CHER 19
Ne manquez à la belle saison de vous promener dans la magnifique Parc de La Villette , il en vaut grandement la peine et lorsque vous serez devant la Grande Halle vous saurez maintenant ce que fut " l'âge d'or " de ce quartier jusqu'à la fin des années 60 . Adieu veaux , vaches , cochons et place à un nouveau monde !!!