ÉGLISE NOTRE-DAME- DU-TRAVAIL
Aujourd'hui je me propose de vous faire découvrir une église très particulière et que bien peu de parisiens connaissent . Il s'agit de Notre-Dame du Travail située 35 rue Guilleminot dans le 14ème arrondissement pas très loin de la Place de Catalogne .
Dans le petit hameau de Plaisance situé dans le village de Vaugirard ( commune rattachée à Paris en 1860 ) se trouvait alors une modeste chapelle , construite en 1835 , située au 8 de la rue Texel connue sous le vocable de Saint -Médard et qui dépendait de Saint-Lambert-de-Vaugirard . Devenue trop petite pour le besoin des habitants du hameau de Plaisance elle fut reconstruite en 1844 . On l'érigera en paroisse le 25 Mars 1848 et pris le nom de Notre-Dame de l'Assomption . C'était la plus petite et la plus humble église de Paris ; elle mesurait 18 m de long sur 8 m de large et ne comportait que trois travées , une datant de sa construction , une qui lui fut adjointe en 1858 et une autre en 1865 . Toutes ces travées étaient en bois et en plâtre et ne recevait de la lumière que par des châssis ouverts dans le toit . Elle possédait dans sa cour d'entrée sur un bâti de bois , une cloche prise à Sébastopol en 1855 , pendant la guerre de Crimée et offerte par Napoléon III . En Cette cloche sera bénite le 14 juin 1866 par l'archevêque de Paris Mgr Darbois en présence de l'Empereur , du Prince impérial et de l'Impératrice . Dans l'intervalle , en 1860 , elle avait reçue le titre de Notre-Dame de Plaisance .
Cloche prise à Sébastopol
Notre-Du Travail - Architecture
Cette petite église fut dévalisée et convertie en club pendant la commune et son curé arrêté. En 1884 arrive un nouveau vicaire l'abbé Soulange-Bodin qui de distinguera par ses multiples initiatives ( il commence par fonder un " patro " ) . En 1896 il est nommé curé de Notre-Dame de Plaisance et il décide la construction d'une nouvelle église qui sera dédiée aux travailleurs de toute les classes et qui portera le nom de Notre-Dame du Travail . Cet ecclésiastique sera attentif au monde ouvrier . Il a œuvré pour les enfants déshérités, leur trouvant du travail , tout comme il a trouvé des emplois à la maison pour les femmes d’ouvriers .
Cette nouvelle église fut bâtie par Jules Astruc , séduit par les nouvelles techniques de la tour de Mr Eiffel , pour les très nombreux ouvriers logeant dans le 14ème arrondissement et qui avait la charge de monter et démonter les expositions universelles de Paris . Jules Godefroy Astruc est né en 1862 à Avignon d'un père architecte . Il était le descendant d'une vieille famille juive comtadine installée depuis le XVII ème siècle dans le Comtat Venaissin . Il a été l'élève de Victor Laloux , auteur de la gare de Tours et de la gare d'Orsay qui savait se servir du fer . On doit en outre à Jules Astruc la construction dans le XIII ème de l'église Saint-Hippolyte avenue de Choisy .
Gare d'Orsay Église Saint-Hippolyte
Notre-Dame-du-Travail rend hommage à la condition ouvrière et aux sens que donne le mot travail . L'abbé Soulange-Bodin se plaisait à dire " L'église doit rappeler à l'ouvrier son usine afin qu'il se sente chez lui , dans son milieu habituel , entouré de matériaux de fer et de bois que sa main transforme tous les jours " . Rien de son extérieur , ni de sa façade en pierre de taille de style roman , ne laisse apparaitre la légèreté et la clarté de son intérieur . Légèreté et clarté obtenues par l'utilisation d'arceaux métalliques et de colonnes de fer . Ces arceaux proviendraient de Palais de l'Industrie construit par l'architecte Victor Viel et l'ingénieur Alexis Barrault pour l'Exposition Universelle de 1855 et qui sera démolie en 1899 pour faire place aux Grand et Petit Palais .
Le Palais de l'Industrie
Les murs latéraux , les contreforts ainsi que les murs du presbytère proviennent en grande partie de la démolition de l'abattoir de Grenelle ( en bordure de la place de Breteuil où se trouvait le fameux puits artésien ) . Les murs élevés de la grande nef sont en brique de Bourgogne portées par un pan de fer . Entre les montants verticaux de cette structure métallique , on a encastré les vitraux . Notre-Dame du Travail ayant été terminée peu après l'Exposition Universelle de 1900, les murs des façades furent construites avec des pierres de taille et des moellons récupérés dans divers palais éphémères du Champ-de-Mars. Pour corriger l'accent un peu raide et froid des 135 tonnes d'acier et de fer de la structure métallique nue , toute les chapelles latérales furent ornées de grandes peintures murales du plus pur style " Art déco ou Art nouveau " qui provoquent un effet de fraicheur et de gaîté originale .
Autre signe bien particulier , les deux tribunes latérales , couvrant toute la longueur de la nef de chaque coté des chapelles latérales . Ceci n'est pas sans rappeler les églises du Pays basque , d'où est originaire l'abbé Soulange-Bodin . Notre-Dame du Travail avec son architecture métallique et ses décorations intérieures ressemble comme une sœur à l'église Saint-Jean de Montmartre construite par Anatole de Baudot ( photos ci-dessous )
Église Saint-Jean de Montmartre
Église Notre-Dame du Travail
Notre-Dame du Travail - Les décorations intérieures
Les guirlandes, si bien restaurées aujourd'hui, appartiennent à l'Art Nouveau, ce mouvement qui bat son plein justement à cette période et qui verra le triomphe de l'architecte Guimard avec ses célèbres entrées de Métro. L'Art Nouveau, très marqué par l'influence de Viollet-Le-Duc , se propose, entre autres visées, de réconcilier l'art avec la nature dans l'esprit gothique. Cette invasion de fleurs de notre pays , rien à voir avec les lauriers et les feuilles d'acanthe de l'Antiquité, que nous voyons ici , reflète un idéal esthétique voulant faire bon ménage avec les matériaux nouveaux . L'aménagement intérieur de l'église se veut résolument moderne et s'intègre parfaitement avec cette architecture métallique . On peut admirer le Chemin de Croix en bois sculpté qui fut installé en 1993 dans l'église , il avait été commandé par la Père de La Morandais , il est l'œuvre de Christine Audin , jeune sculpteur sur bois . On peut également admirer une magnifique Pieta et une audacieuse sculpture " la main créatrice " . Ces deux sculptures sont l'œuvre de Michel Serraz ( son père Georges Serraz avait un atelier de sculpture dans le quartier de Plaisance ). Le thème de la main de Dieu portant Adam et Eve a été développé aussi par Rodin .
La statue de Notre Dame du Travail est l'œuvre de Joseph Lefevre , elle fut offerte par les exposants de l'exposition de 1900 . Les vitraux ont été réalisés en 1901 par la Société artistique de peinture sur verre . Ils sont originaire des ateliers de Charles Champigneulle , maître verrier . Seul le vitrail central de la Vierge Marie portant son enfant provient de l'ancienne église de Plaisance qui se situait dans l'actuelle rue de Texel , enfin l'orgue construit par Haerpfer Théodore et mis en service le 24 décembre 1990 , il remplace un orgue Cavaillé-Coll installé à la fin de la première guerre mondiale et dont le coût de restauration dépassait la valeur de l'instrument .
Ne manquez pas d'aller vous promener dans cet agréable quartier de Paris et de visiter cette église unique dans la capitale .
L'identité visuelle de Notre-Dame du travail à été réalisé par Mr Ivan Leprêtre , talentueux dessinateur graphique .Ne manquez de visiter son remarquable blog " Des mots et des images " .
Bibliographie : Evariste Leufeuvre dont l'exceptionnel documentation de son site internet m'a beaucoup aidé dans la réalisation de cet article , qu'il en soit ici grandement remercié .