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LE PIETON DE PARIS
31 mai 2013

LES VACHERIES PARISIENNES

      

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                                  Étable d'une vacherie  parisienne 

   Je me propose aujourd'hui de vous faire découvrir les vestiges d'une ancienne vacherie parisienne située près du métro Belleville au 15 rue de la Présentation dans le XIème arrondissement  . Cette rue classée en 1931, s'appelait rue Sainte-Marie-du-Temple avant de recevoir en 1877 son nom actuel rappelant la présentation de Jésus par la Vierge au Temple . 

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                          Ancienne vacherie rue de la Présentation 

 

    Petite histoire des " vacheries  " 

   Avant la découverte de la pasteurisation le lait  ne se conservait pas très longtemps et donc ne pouvait être transporté sur de grandes distances . Les parisiens n'ont jamais été de gros consommateurs de lait , mais cet aliment indispensable notamment aux enfants a toujours été autrefois largement commercialisé par les laitiers ou les crémiers . Les crémiers se distinguaient des laitiers par la vente en boutique , les laitiers quand à eux " criaient " leur marchandise dans les rues . Laitiers et crémiers du XVIIème siècle  tiraient leur approvisionnement de lait dans les villages environnant Paris . En 1710 on rapporte que tous les matins plusieurs femmes " criaient " leur marchandise ou l'expose à la vente sur une petite place proche de l'église Saint-Jacques-de-la-boucherie que l'on nomme pour cette raison la " Pierre au Lait " . En 1450 on trouve une rue de la " Pierre-o-let " ou des " Escrivains qui donnait dans la rue Saint-Jacques-de-la-Boucherie . En 1760 seul le carrefour de la Pierre-au-lait est mentionné sur les anciens plans de Paris . La rue des Écrivains disparaîtra  lors du percement du Boulevard de Sébastopol et de la rue de Rivoli . 

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                   Laitière à la ferme            La laitière de Veermer      Crémerie au XIXème siècle 

   Quelques  femmes , en petit nombre , débitent dans leur boutique , du lait qu'elles achètent à ces laitières de campagne , principalement en été . Les parisiens sont peu " accoutumés au lait ", aliment dont ils se méfie car les laitières le dénature souvent soit en enlevant la crème , soit en ajoutant de l'eau et même de farine !!! A la fin du XVIIIème siècle , avec la mode du café au lait , qui atteint jusqu'aux couches sociales les plus pauvres , le lait s'mpose définitivement dans l'alimentation des parisiens .  Devant la consommation de plus en plus importante de lait par les parisiens au XIXème siècle  , de nombreuses vacheries vont s'installer , tant à Paris que dans la  proche banlieue constituée alors par les petits villages qui en 1860 furent rattachés à la capitale , suite au succès rencontré par la vacherie Saint-Anne installée près de la barrière   Saint - Jacques qui fourinisssait le lait de plusieurs hôpitauxCes vacheries étaient des commerces de lait fraîchement trait ( lait cru ) et quelquefois de fromages et de crème dans lesquels des nourrisseurs élevaient une dizaine de vaches soit sur des résidus de pâturages l'été dans les communes limitrophes de la capitale soit à Paris dans des étables  et nourris avec du foin .

                                                Vacheries parisiennes 

 

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       Rue Saint-Jacques                 Rue Lacépède               Rue des Feuillantines  

   Ces animaux attachés à leurs râteliers ne sortaient de leurs étables après un an , voir même 18 mois , que pour se rendre aux abattoirs . Les étables ,ou plutôt les lieux auxquels on donne ce nom , et qui presque jamais n’ont été originairement destinés aux animaux qu’ils renferment, sont généralement mal construites, mal placées, mal tenues, basses, remplies d’ordures, n’ayant le plus souvent d’autre issue que celle de la porte, par conséquent mal aérées, et toujours hermétiquement fermées ; il y fait une chaleur insupportable, même en hiver : la gêne qu’y éprouve la respiration des animaux, est quelquefois annoncée par le soufflement répété . Ces étables étaient souvent source de nombreuses nuisances causées par la  puanteur du fumier et les nuées de mouches l'été comme le décrira si bien Balzac dans son roman " Le colonel Chabert !!! Bien entendu aucuns contrôles vétérinaires n'existaient .De plus l'hygiène lors de la traite était totalement absent ( mains sales , pis des vaches non nettoyées avant la traite etc. ) . La  transmission de maladies bactériennes par le lait par des bêtes malades ( tuberculose , mammite , fièvre aphteuse etc. ) n'était pas rare . De plus il n'était pas rare que le lait vendu soit  " mouillé " avec de l'eau , parfois polluée , ou par l'adjonction d'anticoagulants ou d'antiseptiques !!! Il y avait également des nourrisseurs de vaches et de chèvres qui à Paris et dans ses faubourgs conduisaient leurs animaux par bande , tous les matins , dans différents quartiers de la capitale, afin de fournir aux parisiens du lait frais directement sorti du pis de leurs animaux .  

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     Vacherie rue Lacépède     Vacherie rue Saint-Jacques      Traite sur les quais  

                                      

     La ferme impériale de Vincennes 

   La ferme impériale de Vincennes est fondée en 1858 . Les Parisiens descendent à la gare de Joinville pour venir y boire une tasse de lait pur …  Elle est située tout près de Saint-Maur, en dehors des fortifications, à une distance de l’ancienne barrière du Trône d’environ 4 kilomètres . La vacherie , comprenant 104 vaches ,  est la partie principale de la ferme de Vincennes . Dans l'étable se trouve  un " chemin de fer central " , sur lequel circulent les chariots portant la nourriture des vaches , se trouvent les vaches sur deux rangées ; derrière les animaux sont d’ailleurs deux corridors de service. Les animaux sont attachés par une chaîne à quatre branches , deux pour entourer le cou de chaque bête , et deux terminées par des anneaux qui glissent le long des piquets lorsque l’animal lève ou baisse la tête . Dans le compartiment central se trouve une auge à rafraîchir le lait . Un escalier mobile permet de monter au premier  étage de ce compartiment, et là se trouvent les quatre lits des quatre bouviers qui ont chacun une fenêtre pour voir d’un seul coup d’œil chacune des quatre travées qui sont sous leur surveillance .  

 

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                                       Ferme impériale de Vincennes 

 

 

    Répartition des vacheries parisiennes 

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                                        Répartition des vacheries parisiennes 

 

                                                  Vacheries parisiennes 

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   Montmartre rue du Mont-Cenis     Rue Mouffetard        Jardin d'acclimatation 

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                                  Vacherie 35 rue de Chaillot 

 

    Le nombre de vaches variait suivant la taille des vacheries . Les plus petites ne possédaient qu'une dizaines de vaches , les moyennes 10 à 20 vaches et les plus grandes pouvaient abriter jusqu'à 57 vaches . La plus importante se trouvait dans le Jardin d'acclimation qui possédait à elle seule plus de 80 vaches !!! Les parisiens consommaient 173.000 litres de lait en 1833 contre millions de litres par an en 1905 . Les vacheries parisiennes fournissaient environ 21 millions  , celles de banlieue 53 millions de litres et les vacheries plus éloignées ( grande banlieue )135 millions de litres . Ce lait était acheminé par chemin de fer le plus rapidement possible pour éviter qu'il ne " tourne"  . Avec le progrès des transports ferroviaire , des compagnies laitières , en particulier normande , s'organisèrent pour faire converger à Paris des fleuves de lait à des prix accessibles . Devant les fraudes de plus en plus croissante on mis au point des appareils afin de les détecter comme les lactoscopes , les lactodensimères , les saccharimètres et les butyromètres .

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             Lactodensimètre                Vacherie parisienne                Livreur de Lait 

  Le profit tiré par de la vente du lait et sa consommation de plus en plus croissante de nombreuses vacheries vont s'installer dans Paris . De 150 au milieu du XIXème siècle , elles passent de 350 en 1879 , puis de 476 en 188 et de 502 en 1892 ce qui constituera l'âge d'or de cette activité .  Les découvertes des différentes techniques de conservation du lait , tout d'abord par Nicolas Appert en 1831 , puis celle de  Louis Pasteur qui en 1864 , a prouvé que le lait brièvement chauffé à haute température pouvait se conserver ( cette technique , qu'il breveta  en 1865 , est plus connue sous le nom de " pasteurisation " ) . Elle fut largement prônée par l'allemand Franz von Soxhlet en 1886  . Ces techniques permirent une meilleure conservation du lait et une consommation sans risque d'infection microbienne  puisque presque tous les micro organismes étaient détruits ( sauf les spores des bactéries )  . Avec l'apparition de la stérilisation à haute température " lait UHT " le lait obtenu sera désormais exempt de tous germes et de tout spores . 

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            Nicolas Appert                   Louis Pasteur               Appareil de Soxhlet

  Les vaches donnèrent leur nom à des lieux et des rues de Paris et de banlieue. Au XVIe siècle, existe à Grenelle le  chemin aux Vaches  . L’Ile-aux-Vaches correspond à la partie orientale de l’Île-Saint-Louis ( ancienne Ile Notre-Dame ) , coupée en deux lorsque Charles V construit l’enceinte qui porte son nom  , la rue Trousse - vache détruite lors du percement du boulevard de Sébastopol , la rue aux vaches aujourd'hui rue Saint-Dominique , l'impasse aux vaches devenue impasse Haxo  La « Vache Noire » demeure un carrefour bien connu de Cachan etc. 

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                                        Ile aux vaches et Ile Notre-Dame 

    Ensuite l'activité déclinera petit à petit . On ne comptera plus que 457 vacheries en 1895 , puis 141 en 1910 et 30 en 1918 . Il n'en restera plus que trois en 1945 !!! La concurrence des grandes sociétés laitières , la difficulté de recruter des garçons vachers mal payés auquel s'ajoute la spéculation foncière contribueront largement à la disparition des vacheries parisiennes .  Jusque dans les années 50, le lait est principalement vendu en vrac. Un décret du 23 février 1950 impose, à partir du 1er janvier 1953, la vente de lait pasteurisé en bouteilles cachetées dans les villes de plus de 20.000 habitants. C'est la fin des boîtes à lait en aluminium. Et bientôt, vers 1977, le traitement UHT (ultra haute température) permet de conserver trois mois le lait, à température ambiante, contre quelques jours, au froid, pour le lait pasteurisé. L'industrialisation et le développement des transports frigorifiques ont eu définitivement raison des vacheries . Je vous recommande les remarquables travaux réalisés sur ce sujet sur , le blog " Paris Myope " et le blog " Paris-bise-arts " de mon ami Monsieur Devienne . 

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   Ne manquez pas lors de vos prochaines promenades dans Paris de partir à  la découverte des ces anciennes vacheries . Vous en trouverez des traces par exemple  Passage Delanos et Cour de la Métairie . 

  Un lecteur de cet article m'a fait part de l'implation de nombreuses fermes situées au delà de la Barrière du Maine ( Ferme du " Moulin de beurre " et la " Ferme dorée " etc . ) . Qu'il en soit grandement remercié .                                                                                    

            

 

 

 

 

                                                                                

                                   

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Commentaires
T
C'est avec bien du retard, mais aussi avec énormément d'intérêt, que je découvre l'existence de ces anciennes vacheries parisiennes.<br /> <br /> Des installations qui avaient vraiment un grand intérêt pour la population. Pas comme les boutiques du centre commercial qui a remplacé les Halles dans le ventre du Paris d'antan (gros soupir).<br /> <br /> Merci pour le temps passé en minutieuses recherches et à la mise en page de cet article digne d'un professionnel.<br /> <br /> Bonne fin d'année<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Tilia
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A
Bonjour,<br /> <br /> Si je vous ai fais cette reflexion, c'est parce que je suis à la recherche d'informations concernant Antonin Carême, le grand pâtissier qui a fait ses début à la barrière du Maine à l'âge de 8ans en 1792-93 dans un cabaret du nom "Fricassé de lapin" et la ou des fermes ou vacheries se trouvaient hors de l'octroi, comme il est précisé dans le livre "le roi Carême" qui était la campagne à cette époque. Que la fermière venait vendre son lait au parisien tiré du pie de ses vaches.<br /> <br /> https://books.google.fr/books?id=UXkbBAAAQBAJ&pg=PT4&lpg=PT4&dq=le+roi+car%C3%AAme&source=bl&ots=z_CT4mmnQZ&sig=E8elFD5pghexHoelCCfmFZ93SH8&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjK08CflcvQAhXFCcAKHQjCAUQ4ChDoAQgbMAE#v=onepage&q=le%20roi%20car%C3%AAme&f=false<br /> <br /> Deuxième partie à la troisème page: Dès le matin de robustes fermières...<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée
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A
Bonjour,<br /> <br /> A la barrière du maine à la révolution et sous le premier empire, les fermes se trouvaient au-delà de l'octroi, vous n'en parlez pas ? Et pourtant c'est un endroit très populaire.<br /> <br /> Bonne journée
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O
Je suis même persuade au vu de rectitude de la rue st Dominique que son trace est romain. Le champs de mars est un bon choix d urbanisme pour placer les vaches en aval de Lutèce. Les produits issu du bétail transitent ainsi par la rue st Dominique. Ceci est uniquement mon hypothèse.
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P
PASSIONNANT - Ancienne parisienne ayant toujours regretté Paris, quel trésor que ce blog. MERCI
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